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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/395

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importe. Du sommet de ce tronc je vois trois, quatre, cinq, & même six branches, non pas s’élever perpendiculairement sur leur base, mais s’écarter par le haut, avec le secours de quelques cerceaux, à mesure qu’elles grandissent. Ces branches sont à peu près toutes d’une venue, quant à la direction, depuis le tronc jusqu’au sommet. De ces branches partent quelques rameaux, soit à bois, soit à fruit, qui garnissent l’espace entre une branche & sa voisine. Enfin, à la longue, l’arbre est plein, c’est-à-dire, garni dans toute la surface extérieure. D’autres jardiniers croyant mieux faire, laissent, dans l’intérieur du gobelet, pousser tout le bois ; ce bois quelconque, arrivé au sommet, est taillé & arrêté à la même hauteur que les branches & bourgeons extérieurs, soit forts, soit foibles. On a raison d’appeler cet arbre un gobelet plein ; en un mot, c’est un vrai buisson, dans toute l’acception du terme, qui, malgré tous le bois dont il est surchargé, ne donne du fruit que sur sa face extérieure.

Je vois chaque année des bourgeons forts & vigoureux, terminer les sommets des branches ; la sève y afflue avec abondance, & petit à petit la substance des rameaux du bas est absorbée ; ils deviennent maigres, périssent & laissent paroître des branches nues. Ce transport de la sève au sommet est dans l’ordre naturel, parce que le canal direct subsiste, & par conséquent l’arbre fait tous ses efforts pour revenir à sa première loi, la perpendiculaire. Je vois encore çà et là des gourmands percer l’écorce, s’importer & consommer inutilement une portion de sève, qui auroit bien plus profité répandue dans les autres branches. En un mot, le jardinier ne sait pas maîtriser l’arbre, & souvent il pousse tout d’un côté, tandis que tout l’autre dépérit. Je crois avoir décrit, sans exagération, la manière d’être des gobelets ou buissons, que l’on rencontre presque par-tout. De tels arbres durent fort peu, sur-tout quand ils sont sur coignassier ou sur paradis, & lorsqu’ils sont sur franc, leur taille est encore plus ridicule. Le seul moyen de corriger cette taille est de ramener à la loi de quarante-cinq degrés.

La méthode est simple, & elle aide singulièrement l’évasement de l’arbre par le haut, sans contraindre les branches & les bourgeons à aucun tour de force. Ils se placent d’eux-mêmes sur le pourtour ; &, si on se sert de cerceaux, c’est uniquement dans la vue de procurer une rondeur extérieure, égale dans tous ses points, & afin que les branches ne perdent pas leur direction. Supposons un pied d’arbre coupé net en-dessus, & plus ou moins ravalé, il donnera à son sommet deux, trois ou quatre bourgeons. Supposons-les encore de force égale ; pendant la première année, ils poussent tout à leur aise ; tout au plus, leur peu de consistance dans la texture, est-elle soulagée par des tuteurs qui s’opposent à leur cassure par des coups de vent. Cependant, si un ou deux de ces bourgeons gagnent de vitesse les voisins, on les inclinera, suivant le besoin, à l’aide des tuteurs, & les autres seront maintenus dans leur perpendicularité jusqu’au moment où l’équilibre sera établi entre tous les bourgeons. Actuellement,