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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/525

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rais, la chaîne des montagnes qui traverse le Languedoc de l’est à l’ouest, & sur-tout les provinces du Périgord & de l’Angoumois où elles surabondent, tandis qu’elles sont excessivement rares dans le Poitou & dans la Saintonge qu’elles avoisinent. J’en ai trouvé de fort petites, à la vérité, dans les environs de Lyon, au pied des charmes. On en rencontre par hasard quelques-unes dans la Bourgogne. En Angoumois elles se multiplient jusques dans les vignes, dans les terres labourées & dans les chaumes. Cependant l’observation générale prouve que les meilleures & les plus belles aiment l’abri des arbres quelconques ; que les voisines du chêne noir sont plus délicates ; que le genévrier diminue leur qualité ; enfin, que si on coupe leur arbre protecteur, la truffière disparoît. On a encore observé qu’on n’en trouve pas, ou du moins rarement, au pied des arbres fruitiers à pepin.

La truffe ne souffre aucune plante dans son voisinage. La surface de la terre est nue par-tout où elle végète ; & pour peu que le sol soit sec, il se gerce en manière de croix sur l’endroit où la truffe végète. M. Meunier, à qui l’on doit de très-bonnes observations sur l’Angoumois, dit y avoir vu se former une truffière dans un pré haut. La première année la pelouse devint jaune, & elle périt entièrement la seconde année dans toute l’étendue de la truffière.

Lorsque l’été est chaud, & la chaleur entrecoupée par des pluies, on est presque assuré d’avoir une belle récolte, sur-tout si les froids de l’hiver précédent ont été modérés. Une opinion assez générale est que plus il y a de coups ce tonnerre pendant l’été, & plus la grosseur & l’abondance des truffes augmentent. Je ne nie pas ce dire ; mais je pense qu’il mérite, pour y ajouter foi, que des hommes accoutumés à bien voir, se livrent à des observations nouvelles & suivies pendant plusieurs années consécutives.

Si on fouille la terre à la fin de mars, ou au commencement d’avril & en mai, on les trouve grosses, comme de petits pois, rondes, rouges en dessus & blanches en dedans. C’est à la fin de mai qu’on les récolte, mais elles sont sans parfum : on les coupe par tranches ; placés sur des claies, elles évaporent leur eau de végétation, se dessèchent & fournissent, ce qu’on appelle truffes blanches, dont on se sert pour les ragoûts. Petit à petit, & à mesure que la saison s’avance, elles changent de couleur. Au commencement de novembre, elles acquièrent une couleur brune inégale, qui successivement graduée, devient plus foncée, accompagnée de veines ou marbrures blanches ; enfin, elle devient rembrunie, tirant sur le noir. Les premières gelées assaisonnent les truffes dans la terre, & les préparent à soutenir les plus grands froids sans en être endommagées. C’est alors qu’elles sont pesantes, fraîches, rondes ; pour l’ordinaire, de la grosseur d’un œuf, souvent beaucoup plus, & d’un bon parfum.

Ce végétal singulier dans tous ses points, a, comme les autres racines des plantes, un insecte qui le dévore ; c’est un ver blanc qui provient de la ponte d’une mouche bleue, tirant sur le violet. Elle s’insinue dans la terre, pique la truffe, y prépare un nid tissu, comme d’une soie blanche, y dépose son œuf, & après que le petit animal est éclos, il se nourrit