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tulipes en trois classes, les printanières, les moyennes & les tardives. Ces divisions sont peu correctes : il seroit plus simple de les diviser en hautes & petites baguettes. On appelle leur tige baguette, & l’expérience m’a prouvé qu’à l’époque de plantation égale, les grandes baguettes étoient les plus tardives ; quoi qu’il en soit, la culture est la même pour toutes les variétés.

À quelle époque doit-on planter les oignons de tulipes ? Cette question a été très-sérieusement agitée par les amateurs, & lorsqu’on lit leurs écrits, on est tout étonné d’y voir des contradictions au moins apparentes. Ils ont écrit d’après l’influence sur la végétation du climat qu’ils habitoient, sans considérer que celui des antres pays n’étoit pas le même ; il étoit plus naturel d’examiner l’époque à laquelle l’oignon commence de lui-même à végéter, à montrer son dard, & dire alors la nature me donne une leçon dont je dois profiter. Si l’oignon commence à travailler, donc je dois me hâter de le mettre en terre ; donc, dans le même climat, il ne peut y avoir un jour déterminé, parce que la manière d’être de la saison n’est pas chaque année la même. Je conviens que la variation ne sera jamais très-considérable, mais elle l’est toujours assez pour apprendre à étudier la nature & à suivre ses opérations, sans les contrarier par une plantation à un jour fixe. Certes, le jour de la plantation ne peut pas être le même en Italie ou en Hollande.

La même variété d’opinion subsiste sur la qualité du sol dans lequel on doit planter les oignons. En étudiant la nature, les fleuristes se seroient dit : l’oignon de tulipe laissé sur des planches, dans un grenier, pousse, & si on l’abandonne à lui-même, il lancera un dard de quelques pouces de longueur. Il n’a donc fallu qu’un peu d’humidité dans l’atmosphère pour actionner & mettre en mouvement sa sève ; donc il doit craindre la trop grande humidité dans la terre. Il se rapproche beaucoup de l’essence de l’oignon de Scille & de plusieurs autres qui croissent aux bords de la mer dans les sables les plus vifs, & qui ne tirent leur subsistance que de l’humidité de l’atmosphère. Donc il convient de donner à la tulipe une terre douce & très-perméable à l’eau, & qui ait une profondeur suffisante & capable de donner l’écoulement aux eaux. Ce principe naturel est confirmé par l’expérience. En effet, combien d’oignons les fleuristes ne perdent-ils pas chaque année lorsque les hivers sont pluvieux, la pourriture gagne l’oignon & souvent des planches entières périssent. Je dirai donc à l’amateur & au fleuriste, si la masse de terre de votre jardin est compacte, argilleuse, en un mot, si elle s’imprègne & retient facilement l’eau, faites creuser à deux pieds de profondeur l’espace que vous destinez à la plantation des tulipes ; remplissez le vuide par un pied de sable fin & naturellement sec. Si ce sable est rare, suppléez-le par des cailloux ou par des recoupes de pierres dures ; recouvrez le tout au niveau du reste du sol avec du terreau composé aux trois quarts de débris de végétaux & d’un quart de sable fin. L’expérience m’a tellement démontré les principes que j’indique, que j’essayai une année de les pousser