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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/677

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c’est de ce point capital que dépend en grande partie la suite d’une bonne & heureuse éducation.

Quand doit-on faire couver ? Cette question est importante. Si on s’en rapporte à Chomel, à Isnard, la lune joue un grand rôle, & ils cherchent à le prouver par de longs raisonnemens ; les rapporter ici, ce seroit encore accréditer, & peut-être renouveler pour plusieurs lecteurs trop crédules, une erreur aussi absurde qu’elle est ancienne. (Consultez l’article Lune) Peu importe qu’elle soit nouvelle, pleine ou en déclin. Interrogez la saison, le moment du développement des feuilles sur le mûrier, & vous aurez un guide plus certain que la lune.

L’homme veut toujours mettre du sien, & jusque dans les plus simples opérations de la nature, il croit en savoir plus qu’elle & la gouverner. Plusieurs propriétaires pensent faire des merveilles en lavant les graines, avant de les faire éclore, dans du vin vieux & spiritueux ; mais comme ce procédé est simple, d’autres ont voulu renchérir & ont préféré les vins, ou muscats, ou de Malaga, ou de Chypre, &c. La première expérience, cent & cent fois répétée, a prouvé à l’observateur sans prévention, qu’une éducation ainsi préparée ne réussissoit pas mieux que celle dont l’éclosion avoit été simple & naturelle. La même expérience a prouvé que de tous les œufs imbibés avec des vins liquoreux, aucun n’a éclos. L’homme de bon sens devoit en être convaincu par avance, puisqu’il étoit clair que la seule partie aqueuse devoit se dissiper par l’évaporation, & que l’abondante partie sucrée & visqueuse de ces vins se colleroit sur l’œuf, s’y dessécheroit comme un vernis, & enfin en boucheroit à tel point les pores, que le malheureux insecte y mourroit étouffé. Que conclure ? qu’il est plus profitable aux propriétaires de faire boire leur vin aux magnaniers, que de le sacrifier en pure perte dans une opération inutile ou dangereuse.

La poussée de la feuille du mûrier est l’indice certain du moment où l’on doit faire éclore ; première maxime.

Plus, toutes circonstances égales, la poussée des feuilles & l’éclosion sont hâtives, & plus on doit compter sur une bonne & heureuse éducation ; seconde maxime. Elles exigent quelques observations.

Si dans nos climats les saisons suivoient une marche progressive & constante, ces deux maximes seroient vraies à la rigueur. Des gelées tardives, & surtout dans les pays rapprochés des montagnes, détruisent dans une nuit les effets d’une végétation mise en activité par une continuité de beaux jours. Dans ces circonstances aussi critiques que fâcheuses, si un propriétaire a fait éclore toute sa graine, il n’a plus d’espoir, puisque la gelée a broui toutes les feuilles des mûriers. Ses vers resteront-ils douze, quinze à vingt jours sans manger ? ils mourront de faim, à moins que par une sage prévoyance, il ait garanti du froid soit un certain nombre d’arbres, soit une certaine étendue de mûriers disposés en haie ou en palissade élevée. La chose est possible & on ne sauroit trop prendre une telle précaution ; mais pour celui qui vit du jour au jour, qui le lamente dans ce cas sans songer au lendemain, il ne lui reste d’autre parti que de jeter ses vers, &