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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/678

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sa récolte est perdue pour cette année. S’il achète de la nouvelle graine, elle sera d’un prix exorbitant ; & comme la seconde éclosion aura été très-tardive, le succès de son éducation sera très-incertain. La prudence dicte donc d’avoir ou moins toujours en réserve, une double provision de graines. Le pis aller sera d’avoir de la graine inutile, ou que l’on vendra encore aux insouciant qui renvoient toujours du jour au jour. La perte sera modique ; & peut-on la comparer à celle d’une récolte entière ? Rien n’empêche que le propriétaire vigilant ne soit à l’abri des événemens, puisqu’il est le maître de les prévoir, & qu’il y remédie en effet avec un peu d’attention. Dans tous les cas, qu’il ait 1°. double provision de graines ; 2°. des palissades de mûriers suffisantes pour attendre qu’en cas de gelée, la seconde feuille soit revenue sur les mûriers. Dans les commencemens, lorsque les vers sont encore jeunes, ils consomment bien peu de feuilles ; & si pendant les jours de gelées tardives, on a soin de couvrir avec des toiles, avec des paillassons les palissades de mûriers, on est assuré d’avoir assez de ces premières feuilles pour attendre la poussée des nouvelles. Alors la récolte entière sera sauvée par cette petite attention. L’amateur, dans la seule vue de conserver les fruits de ses arbres en espalier, ne craint pas de faire la dépense des toiles ; & le cultivateur, pour lequel la récolte de la soie est d’une bien plus grande importance, négligeroit ces petits moyens ! C’est le cas de lui dire comme Hercule : aide-toi & le ciel t’aidera.

Lorsque l’hiver a été rude & qu’il s’est prolongé jusqu’en avril, l’observation prouve que l’on n’a plus à redouter les gelées tardives. C’est alors qu’il faut pousser par l’art l’éclosion des vers, afin qu’ils soient montés avant les chaleurs étouffantes du mois de juin. Dans ce cas, la poussée des feuilles est prompte, & son développement rapide. Mais si l’hiver a été précoce, doux, sans caractère bien prononcé, on doit alors ne mettre couver que la moitié de la graine, à moins qu’on n’ait pris les précautions indiquées ci-dessus. En voici encore une bien simple & bien facile, indiquée par l’excellent auteur, M. Boissier de Sauvages, de l’ouvrage intitulé : Éducation des vers à soie. Lorsque par imprévoyance, ou par impossibilité, on ne s’est pas procuré par avance des espaliers que l’on peut tenir à l’abri du froid, on peut y suppléer pour avoir de la feuille hâtive, en piquant de bonne heure en terre, de jeunes scions de mûriers, au pied d’un mur exposé au midi, & en les arrosant souvent. Ces précautions prouvent donc la nécessité de faire éclore de bonne heure, afin de soustraire les vers à la chaleur du mois de juin.

Il est encore une observation essentielle à faire. Il faut que le ver quand il éclôt, & dans tout son premier âge, soit nourri avec de la feuille tendre. Dans moins d’un mois, elle aura pris tout son accroissement, alors elle est trop dure pour lui. C’est donc la manière d’être de la saison & du climat en général, qui annonce l’époque à laquelle on doit mettre éclore. La vie du ver est en général de 45 à 50 jours, lorsque rien ne la contrarie, & lorsque la