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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/713

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Bertezen, démontra à la Société d’agriculture de Paris, qu’on pouvoit en faire trois éducations dans le courant de la même année. Je ne l’ai point connu, il est mort. Je vais donc parler à ceux qui pourroient tenir à son opinion, que je regarde comme une erreur en économie.

Un agriculteur occupé de s’instruire, pour faire part de ses connoissances à la classe des cultivateurs qui n’a pas le loisir ni les moyens de faire des expériences, doit bien prendre garde de ne pas trop se passionner pour l’objet qu’il cherche à approfondir par ses observations. Il peut en naître des erreurs bien funestes. Un amateur qui a la manie des vers à soie, ne voudroit voir que des mûriers dans ses champs. Celui qui aime les abeilles, placeroit des ruches par-tout, sans considérer si le canton peut les nourrir, &c. Je pourrois citer des exemples de ces sortes de folies, & nommer des personnes que la manie des vers à soie a ruinées. Suivons le cours des saisons, en faisant chaque chose dans son temps. Ne forçons pas la nature ; mais recevons ses bienfaits sans la contraindre à nous donner plus qu’elle ne peut.

Il y a deux questions à résoudre. La première : Est-il possible de faire plusieurs éducations de vers à soie ? La seconde : Seroit-il avantageux de l’entreprendre ?

Quant à la première question, j’avoue la possibilité d’avoir deux & même trois couvées de vers à soie.

    les agriculteurs prudens furent saisis d’une double crainte, & dirent : ou l’on perdra cette année la récolte de la soie, en renonçant à élever des vers, lorsque la feuille du mûrier repoussera ; ou, si on ne veut pas y renoncer, on forcera le mûrier à une troisième pousse de ses feuilles ; ce qui l’affaiblira considérablement. Dans cette incertitude, une partie des agriculteurs a embrassé ce dernier parti ; d’autres ayant à cœur la conservation de leurs mûriers, ont fait le sacrifice de la récolte de la soie, pour cette année, & ont fait tailler les arbres. Une troisième opinion s’est élevée. Elle conseille de hasarder la couvée des vers à soie, & propose en même temps de tailler les mûriers, aussitôt qu’ils auront été dépouillés de leurs feuilles ; mais ce dernier procédé n’est pas du goût des agriculteurs, qui prétendent que la taille faite pendant la chaleur, est nuisible au mûrier… Cette diversité d’opinions, ajoute le rédacteur de ce journal, prouve que nous manquons d’expériences, d’observations & de faits, pour établir quelque chose de certain, dans la circonstance actuelle ». Il invite les agriculteurs à des expériences sur une matière aussi importante.

    Dans le même journal, n°. 41, du 12 octobre 1787, le rédacteur rend compte d’un discours de don Mariano Mandra-Many, sur les encouragemens à accorder aux cultivateurs qui feroient une seconde éducation de vers à soie, en Espagne, dans les royaumes de Grenade, de Murcie & de Valence. Il exhorte les agriculteurs à faire des essais, à en donner le résultat, ainsi que des soins particuliers qu’ils auront pris des mûriers, pour réparer le mal causé par une seconde spoliation de leurs feuilles… les agriculteurs de Murcie & de Valence, n’ont point voulu tenter une seconde éducation, par la crainte de perdre leurs mûriers… Le plus grand obstacle à une seconde éducation, sera toujours celui d’avoir moins de feuilles de mûriers, l’année qui suivra une seconde éducation, & de risquer la perte des arbres…

    Après cet extrait littéral du journal de Florence, je ne me permettrai aucune réflexion sur les trois éducations successives des vers à soie, que le sieur Bertezen a faites à Paris ; encore moins sur celles qu’il avoit faites à Londres précédemment.