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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/714

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dans le courant de la même année. Lorsque l’été est très-chaud, nous voyons les chenilles se métamorphoser en chrysalides de bonne heure, se changer en papillons, faire leur ponte qui éclôt bientôt, & nous donner une seconde génération de chenilles. Mais on remarque aussi, que l’année suivante les chenilles sont beaucoup plus rares, parce que la dernière ponte, trop tardive, réussit mal. Par la même raison, nous pouvons avoir dans la même année, deux ou trois couvées de vers à soie en ayant recours à l’art. Cette possibilité admise, examinons quelle seroit la nature des vers à soie, à leur seconde ou troisième génération, dans la même année.

Dans le cours d’une année, la nature accorde au ver à soie, comme aux autres chenilles, une existence de quarante ou cinquante jours, au plus. Après cette durée, il s’ensevelit dans sa coque, s’y transforme en chrysalide, & en sort, au bout de quinze jours environ, sous la forme de papillon. Il fait aussitôt sa ponte, & meurt quelques jours après. Dans l’éducation domestique le ver à soie étant bien soigné, ne vit que trente-cinq ou quarante jours au plus. Si la nature a borné son existence à quarante jours, dans son état de ver, à dix ou douze, dans l’état de papillon, le reste du temps est donc nécessaire pour la perfection de la seconde génération. Si l’art vient à l’accélérer, il est probable que ce sera au préjudice du ver, qui sortira de l’œuf avant le terme fixé par la nature ; & si l’art, au lieu de deux générations, en produit trois, la dernière sera encore plus foible que la seconde.

Maintenant, je vais examiner en économiste ; 1°. s’il est possible de faire deux éducations de vers à soie dans la même année ; 2°. s’il est avantageux de l’entreprendre ; 3°. s’il est utile de propager l’éducation des vers à soie dans les pays du Nord.

Je ne dis point qu’il soit physiquement impossible de faire deux éducations de vers à soie, mais qu’il est impossible d’avoir une seconde éducation avec les avantages de la première. Bien plus, j’ose avancer que c’est perdre son temps, & s’exposer à être obligé de renoncer à cette branche d’économie, pour les années suivantes. Voici sur quoi je fonde mon opinion.

Première difficulté par rapport aux arbres. Le mûrier est le seul arbre, dont la feuille puisse nourrir le ver à soie, & lui fournir la matière propre à filer son cocon. Il est inutile d’insister sur ce fait, tout le monde en convient. Si le mûrier est le seul arbre qui donne des feuilles propres à la nourriture des vers à soie, le cultivateur est donc intéresse à le ménager, & surtout à ne pas l’épuiser par une seconde cueillette de ses feuilles. Les amateurs de nouveautés regardent ceci comme un paradoxe, ou comme un ancien préjugé. Il faut les convaincre. Le mûrier est un arbre utile, dont on a fait aussi un arbre d’agrément, à cause de la beauté de son feuillage. Qu’on le compare avec celui qui est dépouillé tous les ans, il paroîtra en meilleur état que lui. Le dépouillement de ses feuilles lui est donc nuisible ! Ce fait est si certain, que les agriculteurs intelligens taillent les mûriers qui en ont besoin, aussitôt qu’ils sont dépouillés, afin qu’ils ayent moins