Aller au contenu

Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/716

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fini, tout le monde passe au moulinage de la soie où il est occupé pendant tout l’hiver. Le battage des grains est à peine fini que la vendange approche, ensuite la cueillette des noix, des châtaignes, des olives ; la récolte du sarrasin, des pommes de terre, &c. Trouvez donc du monde qui puisse se livrer à une seconde ou troisième éducation de vers à soie, sans que les autres récoltes en souffrent.

Il faut encore considérer, que les personnes qui ont suivi une éducation de vers à soie, ont besoin de se livrer à des occupations, qui leur permettent de respirer un air pur. Celui des ateliers, malgré toutes les attentions de la propreté, est toujours chargé de méphitisme ; quand on le respire continuellement, on peut en être incommodé ; & je suis persuadé, qu’une personne qui passeroit quatre ou cinq mois à faire des éducations de vers à soie, courroit le risque de tomber malade, pour avoir respiré un mauvais air pendant longtemps.

En supposant qu’on eût assez de personnes pour entreprendre une seconde éducation de vers à soie, seroit-il avantageux de le faire ? Non : j’ai déja démontré combien un second dépouillement étoit nuisible aux mûriers. J’ajouterai encore, qu’il seroit même à propos de leur accorder du repos à la troisième année, bien loin de les dépouiller deux fois : lorsque la taille a été un peu forte, il ne faudroit pas les effeuiller l’année qui la suit, afin de donner aux pousses le temps de se fortifier. Pour faire une seconde éducation sans cueillir deux fois les mûriers, on pourroit en avoir de réserve : mais pourquoi multiplier les travaux ? Ne vaut-il pas mieux réunir ces deux éducations dans le temps où l’on trouve avec facilité des personnes pour s’en occuper ? Est-ce le local qui manque ? Si les moyens ne permettent pas de l’augmenter, il faut savoir se borner, & ne pas entreprendre plus qu’on ne peut faire. C’est une mauvaise spéculation que celle de vouloir trop embrasser. L’économie rurale est une sorte de commerce qu’il faut proportionner avec ses facultés & ses talens, si l’on ne veut pas se ruiner. Le naturaliste dit : par les secours de l’art, je puis avoir trois générations de vers à soie dans la même année ; donc je puis faire trois éducations & avoir trois récoltes de cocons. Cela est vrai. Mais l’économiste doit dire : une bonne éducation suffit, il est avantageux de l’entreprendre, de la suivre avec soin, on est presque assuré du succès. Quant à une seconde, comment la nourrir sans nuire aux arbres ; comment la gouverner sans porter préjudice aux autres productions de la terre qui demandent nos soins ? Il n’y a donc aucun avantage à l’entreprendre. Laissons les amateurs de nouveautés exercer leur curiosité sur ces objets.

La soie est un objet de luxe ; faut-il lui sacrifier ceux qui sont de nécessité ? Tout le monde répondra : non. Voilà cependant ou nous conduiroit le systême de certains éducateurs de vers à soie. Multipliez les mûriers, à la bonne heure : mais jamais au préjudice des arbres, dont les productions nous sont nécessaires. J’ai vu des cultivateurs sacrifier tout aux mûriers, en faire