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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/78

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sent distinguer les premiers signes de la maladie du sang, soit qu’elle produise subitement ses funestes effets, on ne prévoit pas d’avance qu’un animal en doit être frappé. Il s’arrête tout à coup, paroît étourdi, chancelant, trébuchant sur les quatre jambes ; il rend du sang par le fondement & par le canal des autres. Bientôt il tombe à la renverse & meurt en peu de temps, quelquefois dans l’espace d’un quart d’heure ou d’une demi-heure. Alors on voit sortir de sa gueule & de ses narines un sang noir & épais ; son corps ne tarde pas à se gonfler & à se putréfier. Malgré l’appât du gain, on ose à peine en écorcher la peau, dans la crainte que quelques gouttes de sang, en jaillissant sur le visage ou sur les mains, n’occasionnent des maux dangereux.[1]

Lorsqu’on ouvre le corps d’une bête morte de cette maladie, les vaisseaux de la peau, & ceux qui sont les plus superficiels, paroissent remplis de sang, & les chairs sont violettes. On trouve les intestins & la caillette vides. Il n’en est pas de même des trois autres estomacs, qui sont toujours pleins. Les matières que contient le feuillet sont desséchées ; la rate, plus volumineuse que dans l’état ordinaire, est, ainsi que le cerveau, gorgée de sang. Ce qui a fait donner aussi le nom de sang de rate.[2]


Perte occasionnée par la maladie du sang.

Il m’est aussi difficile d’estimer au juste la perte causée par la maladie du sang, que celle qui est occasionnée par la maladie rouge. Ce que je puis assurer par un témoignage certain, c’est que, dans une paroisse, sur 800 bêtes à laine, année commune, la maladie du sang en enlève 80. Un fermier d’une autre paroisse, & dont le troupeau étoit de 350 bêtes à laine, en perdit 80, de la même maladie, en 1780. Quoique la perte varie selon les années, il paroît qu’on peut l’estimer à un neuvième ou un dixième au moins. En supposant un troupeau composé de 300 bêtes, sur lesquelles il en meurt 30, ou un dixième, savoir, un tiers en moutons, un tiers en brebis & un tiers en agneaux ; le fermier auquel il appartient, perd sur cet objet 140 livres ; prix moyen de la valeur des moutons & des agneaux.

Je n’ai point essayé de faire faire du parchemin ni de la colle avec les peaux des bêtes mortes de la maladie du sang ; je sais seulement qu’elles ne sont pas estimées des mégissiers ni des parcheminiers. Si l’on en prépare quelques-unes pour en for-

  1. On agit bien différemment dans le diocèse de Lodève, en bas-Languedoc, où la maladie dont il s’agit est enzootique dans un certain nombre de paroisses. Nous pouvons citer S. Jean de la Blaquière, le Bosc, le Puech, Celles, Veton, Sacelles, la Roquette, &c. Les paysans lèvent les peaux de tous les moutons qui périssent, sans en excepter un seul ; aussi sont-ils souvent la victime de leur imprudence. En 1784, j’en vis quelques-uns enlevés dans l’espace de trois jours, par une espèce d’Anthrax, appelé dans le pays, lou vilain (Le charbon). Note de M. Thorel.
  2. On l’appelle, en bas Languedoc, lou mal de la melso.