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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/94

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deux sapins sont originaires de ces parties froides de l’Amérique, dont le climat est semblable à celui de Canada. Ils sont plus touffus & perdent plus difficilement leurs feuilles & leurs branches que ceux des autres espèces ; mais ils ne deviennent jamais bien grands & ne parviennent guères qu’à la hauteur de 20 à 30 pieds. L’un de ces sapins porte au printemps des fleurs mâles d’un beau pourpre, & l’autre d’un verd clair ; ces deux arbres portent fort jeunes une quantité de cônes, ce qui arrête leur croissance, & leur fait prendre la forme de buissons[1] ; aussi on n’en voit point en Angleterre qui aient plus de six ou sept pieds de haut. Leurs feuilles exhalent une odeur très-forte, lorsqu’on les froisse, & il transude de leurs troncs une térébenthine très-claire & très-active.

10. Pesse d’orient, à feuilles courtes & quarrées. Abies orientalis, folio brevi & tetragono, fructu minimo, deorsùm inflexo. Cette espèce fut découverte en Orient, par M. Tournefort qui en envoya des cônes au Jardin du Roi à Paris. Ce sapin est très-commun dans les montagnes des isles de l’Archipel, aussi-bien que dans l’Istrie & la Dalmatie.

11. Sapin de Chine, à fruit perpendiculaire, dont les feuilles sont épineuses, ainsi que les écailles des cônes… Abies major sinensis, pectinatis taxi-soliis, subtùs cœsiis, conis grandioribus sursùm rigentibus, foliorum squammeum apiculis spinosis.

12. Sapin très-grand de Chine, non épineux. Abus maxima sinensis, pectinatis taxi-foliis, apiculis non spinosis. Ces deux espèces sont très communes en Chine.

Quelques botanistes n’admettent que deux espèces de sapin, celui à

  1. Note de l’Éditeur. Je crois qu’il seroit possible d’exciter & de soutenir la croissance de ces deux arbres, en supprimant rigoureusement toutes les fleurs & les cônes à mesure qu’ils paroissent. L’expérience de tous les jours, de tous les lieux, prouve que lorsqu’une gelée tardive enlève toutes les fleurs de nos arbres à pépins, ils poussent beaucoup plus en bois, parce que la séve n’est pas employée à la nourriture des fruits ; dès-lors elle travaille en bois ; ce fait est encore prouvé d’une autre manière, par l’exemple des lambourdes & des brindilles, que l’on remet à bois, en les raccourcissant à un œil ; les bourses mêmes (consultez ces mots) se mettent à bouton à bois, si on rabat très-près de la mère branche. On voit encore les plantes à fleurs très doubles, cultivées dans les parterres, subsister bien plus long-temps que les mêmes plantes simples. Le but de la nature est de perpétuer les individus par la semence ; du moment qu’elle est formée, tous les sucs de la plante se réunissent pour sa nourriture, & dès qu’elle est mûre la plante meurt, si elle est annuelle, ou bien la tige se flétrit si la plante est vivace. Les feuilles des cerisiers, d’abricotier, &c. n’ont pas la même fraîcheur, la même couleur, dès que le fruit est mûr, dès qu’il est tombé, parce que ces plantes, ces arbres, ont rempli leur destination, tandis que les arbres & les plantes à fleurs très-doubles conservent bien plus long-temps leur fraîcheur ; la séve n’est pas épuisée par la nourriture des fruits. Je n’ai jamais cultivé ni même vu les espèces de sapin dont par le M. le baron de Tschudi, mais je suis intimement convaincu que si on prenoit la précaution que j’indique, ces arbres s’élèveroient beaucoup plus haut. Quand ils auroient acquis la hauteur désirée, on seroit alors le maître de les livrer aux soins de la nature.