Aller au contenu

Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1800, tome 10.djvu/366

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’Arcadie se desséchoient tellement dans les outres, qu’il falloit les racler et les délayer dans l’eau, pour les disposer à servir de boisson : ita exsiccatur in utribus, ut derasum bibatur. Pline parle de vins gardés pendant cent ans, qui s’étoient épaissis, comme du miel, et qu’on ne pouvoit boire qu’en les délayant dans l’eau chaude, et les coulant à travers un linge : c’est ce qu’on appelloit saccatio vinorum. Martial conseille de filtrer le Cœcube.

Turbida sollicite trans ittere Cœcuba sacco.

Galien parle de quelques vins d’Asie, qui, mis dans de grandes bouteilles qu’on suspendoit au coin des cheminées, acquéroient, par l’évaporation, la dureté du sel. C’étoit-là l’opération qu’on appelloit sumarium.

C’étoit sans doute des vins de cette nature, que les anciens conservoient au plus haut des maisons, et dans des expositions au midi : ces lieux étoient désignés par les mots horreum vinarium, apotheca vinaria.

Mais tous ces faits ne peuvent appartenir qu’à des vins doux, épais, peu fermentés, ou à des sucs non altérés et rapprochés ; ce sont des extraits plutôt que des liqueurs ; et, peut-être, n’étoit-ce qu’un résiné très-analogue à celui que nous formons aujourd’hui par l’épaississement et la concentration du suc du raisin.

Les anciens connoissoient encore des vins légers qu’ils buvoient de suite : quale in Italiâ quod Gauranum vocant el Albanum, et quœm in Sabinis et in Tuscis nascuntur.

Ils regardoient le vin récent comme chaud au premier degré ; le plus vieux passoit pour le plus chaud.

Chaque espèce de vin avoit une époque connue et déterminée, avant laquelle on ne l’employoit point pour la boisson : Dioscoride détermine la septième année comme un terme moyen pour boire le vin. Au rapport de Galien et d’Athénée le Falerne ne se buvoit, en général, ni avant qu’il eût atteint l’âge de dix ans, ni après celui de vingt. Les vins d’Albe exigeoient vingt ans d’ancienneté ; le surrentinum, vingt-cinq, etc. Macrobe rapporte que Cicéron étant à souper chez Damasippe, on lui servit du Falerne de quarante ans, dont le convive fit l’éloge en disant qu’il portoit bien son âge : benè inquit, œtatem sert. Pline parle d’un vin servi sur la table de Caligula qui avoit plus de cent soixante ans. Horace a chanté un vin de cent feuilles, etc.

Depuis les historiens Grecs et Romains, on n’a pas cessé de publier des écrits sur les vins ; et si nous considérons que cette boisson est une des branches de commerce les plus considérables dé l’Europe, en même temps qu’elle fait la principale source de la richesse de plusieurs nations situées sous divers climats, nous serons moins étonnés du grand nombre d’écrits publiés sur ce sujet, que de la foiblesse avec laquelle on a traité une matière si intéressante.