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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/154

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gent aussi très-bien le regain des prairies naturelles, ou celui de luzerne, ainsi que l’avoine en grain. On les vend à Paris, depuis Noël jusqu’à la Pentecôte, sous le nom d’agneaux de lait ; un agneau de lait pèse, à trois mois, de douze à vingt-cinq livres, suivant la race.

Les cochons de lait deviennent gras seulement en tétant leur mère, quand elle est bien nourrie. C’est une attention qu’il faut avoir aussi pour les autres femelles dont on engraisse les petits au lait.

4°. Engraissement des volailles. L’engraissement des volailles se prépare en les faisant glaner après la moisson, en les faisant pâturer dans des vergers où elles mangent aussi des vers ; en leur hachant des orties ou autres herbes, des racines, des fruits ; on leur donne encore des criblures.

On les enferme dans des cages, des mues étroites, et on les place à l’abri de la lumière. Au Mans, on leur crève les yeux d’un coup d’aiguille ; d’autres leur cousent les paupières.

On achève la graisse principalement avec de la farine d’orge, pétrie avec du lait doux ou du lait de beurre, et, quand on veut faire une graisse plus fine, on pétrit la farine avec du beurre frais, et on remplace la farine d’orge par du gruau ou par la farine d’avoine. On fait chauffer le lait, on trempe dedans la boule de pâte, et après que l’animal est rassasié, on lui entonne une ou deux cuillerées de lait.

Dans les pays où les oies ne sont pas nombreuses, il y a des personnes qui, pour engraisser une oie, la clouent par les pattes dans le poulailler ou dans un grenier, et mettent à sa portée un grand pain rond de farine de seigle dont on n’a pas tiré le son ; on fait au milieu de ce pain un trou dans lequel on entretient toujours de l’eau.

Les oies qu’on nourrit pour obtenir ce qu’on appelle les foies gras, se mettent de plus dans un endroit chaud, par exemple, au coin du feu ; l’oie maigrit, mais le foie se ramollit et devient d’un volume énorme.

« Les Romains aimoient sur-tout l’oie ; ils inventèrent l’art de l’engraisser et de la faire grossir si extraordinairement, qu’il y avoit des foies gras qui pesoient jusqu’à deux livres. Cela se faisoit en nourrissant l’oie pendant vingt jours avec des figues sèches, broyées et arrosées d’eau. Aussitôt que l’oie étoit tuée, on en tiroit le foie et on le mettoit tremper dans du lait et du miel[1].

« Les Grecs engraissoient les oies en leur donnant, pendant un mois, trois fois par jour, deux parties de farine et une partie de son arrosé d’eau chaude, ou mieux tout leur soûl de millet trempé.

« L’usage d’engraisser les poules dans des lieux, clos et avec de la pâte est, selon Pline, une invention des habitans de l’île de Cos, en Grèce. Les armées romaines apportèrent cet usage de leurs conquêtes de la Grèce et de l’Asie.

« Fannius, consul, dans la loi qu’il fit recevoir sur le rétablissement de la frugalité, défendit d’engraisser les poules ; on l’éluda en châtrant les poulets : on fit ainsi les chapons. Cette fraude fut pardonnée, et l’usage se perpétua[2]. »

Dans les pays où on récolte beaucoup de grosses noix, on les donne entières aux dindons. On les fait avaler une à une, en passant la main le long du cou jusqu’à ce que l’on sente que la noix est descendue dans le jabot. On commence par en donner une, puis on augmente d’une par jour, jusqu’à douze, que l’on continue autant qu’il est nécessaire. Le dindon est gras quelquefois lorsqu’on en est à la douzième noix. On dit qu’il y a des personnes qui en donnent jusqu’à quarante. Les noix seroient mal digérées, si ce n’est que le dindon a, comme les autres gallinacées, un gésier très-musculeux dans lequel cet aliment est trituré et broyé. On doit donner à manger aux volailles, dès que le jabot est vide ; cependant la fin de la digestion a lieu ordinairement à des époques fixes, et permet de donner à manger à des heures réglées.

Moyens de juger des progrès de l’engraissement. Les premiers signes de l’engrais na se manifestent que sept à huit jours après que toutes les matières contenues dans l’estomac et les intestins, sont complètement évacuées et renouvelées. Cet espace de temps est plus long dans les ruminans et sur-tout dans les bêtes à cornes ; principalement s’il y a dans le feuillet des matières dures, difficiles à humecter et à faire sortir de ce viscère. Les matières conservent une teinte noire et exhalent une odeur fétide. Celles qui sortent après et qui sont le produit du nouveau régime, sont d’un jaune clair et d’une consistance molle ; leur odeur n’a rien de désagréable.

Lorsque ce renouvellement des matières est complet et qu’il s’est effectué paisiblement, l’engrais se manifeste au bout d’un certain temps, par la température plus élevée du corps de l’animal, par l’augmentation de la

  1. Palladius Rutilius de Re Rustica. Liv I. Tit. 30.
  2. Traité de police de Dalamarre. Tome II.