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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/17

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fonde et remplie par une masse charnue indique les organes du mâle à la dernière paire de pattes ; les femelles ont au même endroit une ouverture ovale : celles-ci pondent des œufs en grand nombre, d’un brun rougeâtre, et attachés en grappes aux filets qui garnissent le dessous de leur queue.

Tout le monde sait que le vert-brun de l’écrevisse se change, par la cuisson, en un rouge foncé. Mais la cause de ce changement de couleur n’est pas connue ; la chimie n’a pas encore dirigé ses recherches vers cet objet, qui n’est pas sans quelque importance, parce qu’il peut donner des lumières sur les principes colorans. Les acides versés sur ces mêmes animaux, font le même effet que la cuisson ; en sorte qu’en servant un plat d’écrevisses rougies de cette manière, on les verroit, quoique ayant l’apparence d’être cuites, s’enfuir de tous côtés sur la table. L’on dit que, dans certains lacs de la Suisse, on pêche des écrevisses fort grosses et de couleur bleuâtre, qui ne deviennent point rouges quand on les fait cuire.

Une autre variété qui intéresse les amateurs de la bonne chère, c’est l’écrevisse qu’en quelques endroits on distingue par la dénomination d’écrevisse à pattes rouges, parce qu’elle porte en effet des taches rouges aux pattes ; elle est, du reste, d’un vert olivâtre foncé, et elle rougit dans l’eau bouillante ; sa chair est d’un meilleur goût que celle de l’écrevisse commune. Cette variété affecte, dans l’état de liberté, certaines eaux, et ne se montre jamais dans d’autres ; j’ai eu occasion d’observer cette sorte de ligne de démarcation entre les deux variétés ; au confluent de deux rivières, dont l’une ne nourrissoit que des écrevisses communes, et l’autre des écrevisses à pattes rouges : ces dernières ne se trouvent que dans les eaux courantes.

Il est facile de conserver, pendant plusieurs jours, les écrevisses à la maison, en les tenant dans un lieu frais, et les enfermant dans un panier avec des orties ou autres herbes récemment coupées, ou bien dans un baquet au fond duquel on met un peu d’eau ; on peut prolonger leur existence en les nourrissant avec du foie de bœuf.

Nos cuisiniers font une grande consommation d’écrevisses ; il en arrive par milliers à Paris, mais elles y sont moins bonnes qu’ailleurs, parce qu’elles maigrissent dans le transport. Leur usage entroit aussi très-souvent dans le régime diététique prescrit par l’ancienne médecine ; la nouvelle le rejette, dit-on, comme fondé sur des préjugés. Cela peut être ; mais ces doctes innovations n’acquerront de l’intérêt qu’à l’époque où l’on s’appercevra que les maladies sont moins fréquentes, et que l’on en guérit plus tôt qu’autrefois.

Les écrevisses fournissent encore au commerce de la droguerie et de la pharmacie, de petites pierres en forme de demi-globes, que l’on nomme improprement yeux d’écrevisses, et qui se trouvent deux à deux dans l’estomac de chacun de ces crustacés. L’on en tire une assez grande quantité du Nord, et principalement de la Russie asiatique, où les pêcheurs font pourrir les écrevisses en tas, pour avoir ces pierres. Mais ce médicament, que la médecine employoit depuis des siècles, est presque entièrement discrédité en France, et mis au rebut par la nouvelle doctrine ; les principes et les moyens curatifs changent, mais les maladies restent.

Pêche des écrevisses. On les prend à la main dans les trous où elles se retirent, sous les pierres ou les racines d’arbres, le long des bords des rivières et des ruisseaux. Quand on en rencontre, il faut les saisir par le milieu du corps et les jeter promptement sur la terre ; l’on doit sur-tout prendre garde à leurs pinces qui