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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/33

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elles se trouvent mélangées. Cette combinaison est un moyen facile d’augmenter considérablement la quantité des engrais.

Mais en agriculture, les raisonnemens, quelque bien fondés qu’ils soient, n’ont pas toujours assez d’ascendant sur l’esprit des hommes pour entraîner leur conviction. Nous allons donc rapporter ici les faits qui démontrent que l’emploi des matières fécales n’a pas les inconvéniens qu’on lui reproche ; mais au contraire, que l’agriculture en retire de précieux avantages.

Si nous consultons les anciens, nous trouvons que Cassius, l’un des auteurs grecs qui ont écrit sur l’économie rurale, regardoit cet engrais comme très-précieux, et lui assignoit le second rang après celui qui nous est fourni par quelques oiseaux de basse-cour. Ce sentiment est partagé par Varron et par Columelle, qui lui donne l’épithète de bon par excellence, excellentissimum ; mais il recommande de ne l’employer, à cause de sa grande activité, que sur des terrains sablonneux, et dénués de tout principe de végétation.

Les anciens Arabes, au rapport de Cassius, se servoient des excrémens humains pour fumer les terres ; ils les faisoient sécher ; ils les mettoient ensuite macérer dans l’eau ; ils leur donnoient une seconde dessiccation, et les répandoient ainsi sur le sol. Cette préparation, qui n’étoit autre chose qu’une espèce de poudrette analogue à celle que l’on fait aujourd’hui aux environs de Paris, a des inconvéniens dont nous parlerons plus bas.

Les Arabes ou Mores d’Espagne, qui avoient poussé l’agriculture à un haut degré de perfection dans cette péninsule, faisaient un grand usage des excrémens humains. Eben el Awam, More de Séville, qui a écrit, dans le douzième siècle, un Traité d’Agriculture,[1] parle, dans plusieurs passages de son ouvrage, de l’emploi qu’on doit en faire ; il cite à ce sujet l’opinion de plusieurs anciens auteurs qui avaient écrit avant lui dans différens pays, tels que l’Égypte, l’Asie et l’Afrique, etc.

« Les excrémens humains, dit-il, ont plus de vertu et de chaleur que ceux des pigeons et autres oiseaux de basse cour. Ils bonifient les fumiers avec lesquels on les mélange, et ils produisent de très-bons effets lorsqu’on les incorpore bien avec la terre ; ils sont avantageux aux arbres et aux légumes. »

Un autre auteur, cité dans le même ouvrage, dit qu’il est reconnu par l’expérience, que les excrémens humains tiennent, après ceux des oiseaux, le second rang, et qu’ils sont propres à toute espèce de plante.

On trouve, dans Eben el Awam, que la préparation désignée parmi nous sous le nom de poudrette, étoit connue des anciens agronomes. « On emploie les excrémens humains après les avoir séchés et pulvérisés ; ils sont, dans cet état, chauds, humides et onctueux. » Il est dit ailleurs : « Les excrémens humains délayés dans l’eau des étangs qui servent à l’arrosement des légumes durant l’été, ne nuisent en aucune manière aux plantes ; mais, au contraire, ils leur sont très-convenables ; ils donnent une nouvelle vie aux plantes desséchées, et les rétablissent promptement ; l’excrément humain est le meilleur de tous ceux qu’on emploie pour féconder la terre. L’on détruit, ou l’on diminue considérablement sa mauvaise odeur, en le mélangeant avec de la terre et de la fiente d’oi-

  1. Cet ouvrage a été publié, avec la traduction espagnole, en 1802. Il a pour titre : Livre de l’Agriculture ; par le docteur excellent Abu-Zacharia-Iahia-Aben-Mohamed-Ben-Ahmed-Eben el Awam, de Séville ; traduit par D. Joseph-Antoine Banquieri. En deux vol. in-fol. Madrid.