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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/379

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terminés par trois doigts ; le bas des jambes dégarni de plumes.

Des barbes de plumes tombent sous le menton de l’outarde ; ses pieds sont revêtus d’écailles, et ses ailes, peu proportionnées au poids de son corps, peuvent néanmoins l’élever et le soutenir quelque temps en l’air. Deux places nues et violettes paroissent de chaque côté du cou. Le dessus du corps est varié de noir et de roux, disposés en ondes et par taches ; le dessous est d’un blanc légèrement teinté de fauve. Les ailes sont noires et blanches ; le plan supérieur de la queue est roussâtre ; l’inférieur est blanchâtre. Les moustaches ou barbes tombantes manquent à la femelle, dont la gorge et les côtés sont bruns.

Bien que les outardes soient des oiseaux de passage, il en reste cependant assez en France, pour que des ornithologistes les y croient naturelles ; mais il paroît constant qu’en général elles se retirent l’été dans des pays plus septentrionaux. Leur arrivée en France se fait remarquer en octobre, et leur départ est sensible au printemps. Les plaines de la Champagne Pouilleuse paroissent leur séjour favori. On en trouve aussi en Picardie, en Lorraine, dans le Poitou, autour d’Arles, et dans les plaines voisines du Rhône, le long de son cours. L’abondance de la chair que fournit l’outarde, (elle pèse de vingt à vingt-cinq livres ordinairement) et sa délicatesse rendroit son acquisition très-précieuse pour l’économie rurale ; mais, quoique prise jeune, elle se familiarise avec la domesticité, elle y perd sa fécondité. Il ne paroît pas que l’on ait éprouvé si, à force de soins, on ne pourroit pas la lui rendre. Lorsque l’on trouve des outardeaux dans le nid, que leurs père et mère creusent en terre au milieu des pièces de blé, et sur-tout de seigle, on les élève, en leur donnant de la mie de pain de seigle détrempée avec des jaunes d’œufs dans de l’eau et du vin ; plus grands, on les nourrit de pain de seigle, coupé en petites tranches, et mêlé de foie de bœuf. Cet oiseau, dans sa force et son état naturel, se nourrit d’herbes, de graines, d’insectes, et de petits animaux, tels que les mulots, crapauds, grenouilles, etc. ; et, dans la disette, il mange jusqu’à l’écorce des arbres. Les grandes plumes de ses ailes se vendent comme celles de l’oie et du cygne ; ce seroit un produit de plus qui résulteroit de sa domesticité.

Chasse de l’outarde. Comme elle cherche, pour se cantonner, les plaines les plus rases, les sites les plus nus, elle est très-difficile à approcher. On la chasse avec l’oiseau de proie, ou bien on la force dans des toiles avec des chiens et des chevaux ; mais ces chasses sont jeux de prince. La ruse, qui est le partage ordinaire de la foiblesse, est aussi le moyen auquel ont recours les paysans et le commun des chasseurs dans les cantons fréquentés des outardes. La hutte ambulante et la vache artificielle, sont pour les outardes, comme pour les oies, des pièges où vient échouer toute leur surveillance. On les approche encore à l’aide d’une charrette garnie de bottes de paille, et traînée par un cheval. À l’abri de cette paille, deux hommes parviennent à s’approcher des outardes, et, tandis que l’un conduit la charrette avec force détours, l’autre, armé d’une canardière chargée de gros plomb, et même de chevrotines, selon les distances, en abat quelques unes sous ses coups. On les attend aussi avec succès à l’affût, en se creusant une hutte en terre pendant leur absence du champ qu’elles se sont cantonné. On recouvre le trou de ramée, ou d’un drap blanc, s’il a tombé de la neige ; et, blotti dans ce trou, un chasseur attend que le gibier veuille bien passer à sa portée.