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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/388

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Mais, pour en revenir à mon objet, tout terrain destiné à une pépinière doit être, au préalable, défoncé au moins de deux pieds, débarrassé des pierres qu’il contient, et rendu aussi uni que possible. Cette opération est d’autant plus importante, et mérite une surveillance d’autant plus active, qu’elle doit influer pendant plusieurs années sur les produits ; en conséquence, on veillera à ce que les ouvriers retournent toutes les parties du sol, brisent toutes les mottes avec soin, et enterrent profondément l’herbe de la surface pour l’empêcher de repousser. On fera enlever toutes les racines de chiendent, de liseron des champs, et autres plantes vivaces, dont la destruction n’est pas facile. En général, le défoncement à la pioche, ou mieux la tournée auvergnate, est toujours meilleure que celui à la bêche, et doit, par conséquent, être préféré ; mais, comme ce dernier est d’usage en certains pays, on se trouve souvent obligé de l’employer.

Le principe d’après lequel l’un et l’autre doivent être faits est que plus la terre est meuble, c’est-à-dire divisée, plus les racines des jeunes plants s’y insinuent facilement, et vont chercher au loin la nourriture qui leur est nécessaire. Ainsi celui où la terre aura été par-tout changée de place, et également brisée, sera bon, de quelque manière qu’il ait été fait.

Il est des personnes qui pensent qu’on doit donner jusqu’à quatre pieds au défoncement ; mais il est évident que c’est une dépense inutile, puisque rarement les racines d’un sujet, dans une pépinière, devront arriver aussi bas, ainsi que je le ferai voir par la suite, et qu’il seroit même généralement nuisible qu’elles y arrivassent.

Une des précautions à prendre, lorsqu’on procède à une opération de cette nature, c’est que la terre végétale ne soit pas enterrée trop profondément sous une terre inférieure en qualité ; car les semis et les plants d’un à deux ans ne pouvant en profiter, elle seroit par conséquent perdue pour eux. Dans le cas où la terre végétale n’auroit pas deux pieds de hauteur, il faudroit ou faire un défoncement moindre, ou mêler également la bonne et la mauvaise terre, ou apporter à la surface une terre de meilleure qualité.

Les défoncemens doivent précéder de plusieurs mois les plantations, pour que les terres du fond, répandues en surface, aient le temps de s’émietter aux pluies, aux gelées, aux neiges, et de s’imprégner des gaz bienfaisans atmosphériques.

Beaucoup de propriétaires, et presque tous les pépiniéristes de profession, mettent du fumier au fond de la fosse de leur défoncement ; mais, comme on l’a vu plus haut, ce n’est que dans les très-mauvais terrains qu’on doit se permettre cette pratique, encore n’est-ce que lorsqu’il n’est pas possible de se procurer de bonnes terres, des curures d’étang, des nettoyures de grands chemins, des gazons pris dans les bois ou dans les marais, etc., etc., tous articles qui produisent un meilleur effet, et sur-tout un effet plus durable que le fumier proprement dit, et qui n’ont aucun de ses inconvéniens.

Un excellent moyen à employer, lorsqu’on se trouve forcé d’établir une pépinière dans un sol qui renferme peu de terre végétale, c’est d’y apporter des terres d’une contexture contraire à celle qui y domine. Ainsi, avec une terre argileuse, on mélangera du sable ou une marne très-calcaire, et avec une terre sablonneuse ou calcaire, on unira de l’argile ou une marne très-argileuse. C’est l’analyse qui rigoureusement doit, dans ce cas, décider des proportions ; mais le seul coup d’œil suffit ordinairement pour les fixer. On peut croire avoir réussi, lorsqu’après ce mélange, la terre est bien meuble, absorbe l’eau avec facilité, et cependant ne la laisse pas perdre aisément, sans lui laisser le temps de se putréfier, ce qui pourrit les racines et fait périr les jeunes plants, sur-tout ceux à fruits, à noyaux, dans les arbres fruitiers, et les arbres de la famille des légumineuses, parmi les autres.

Ce moyen d’amélioration n’est pas praticable par-tout, et il est ordinairement très coûteux ; mais il agit sur les terres pour un grand nombre d’années, quelques uns disent même pour trente ans, espace de temps qu’on fixe ordinairement à une pépinière bien conduite, pour épuiser le terrain où elle est placée. Je dis bien conduite, car, si on place deux fois de suite des arbres de même nature, dans le même local, il le fatiguera bien plus que si on fait succéder des ormes à des chênes, des pruniers à des pommiers, des catalpa à des tulipiers, etc., etc., et par conséquent on avancera de beaucoup ce terme.

La pépinière défoncée et bien close en murs, haies ou fossés, sera partagée en carrés plus ou moins grands, selon son étendue, par des allées d’environ six à douze pieds de large et un peu creusées dans le sol, s’il est humide, exhaussées au contraire s’il est sec, afin de retenir les eaux pluviales, où elles tombent dans les carrés, et, dans l’autre cas, de leur servir d’égout ; et quelques uns de ces carrés, c’est-