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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/397

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Mais il faut, pour que ces effets aient lieu, que l’action de la sève soit tellement rapide, que, dans le premier cas, la branche pousse avant que la racine ait pu être frappée de pourriture ; et, dans le second, avant que la tige ait pu être desséchée par l’air. Voilà pourquoi les productions par racines, comme je le dirai plus bas, réussissent mieux dans un terrain sec, et pourquoi les boutures, au contraire, reprennent mieux dans un terrain humide ; et pourquoi enfin il faut cependant de la chaleur dans les deux cas ; car, sans chaleur, il n’y a point de végétation rapide.

Lorsqu’on couche, ou mieux encore, que l’on courbe une bouture dans la terre, on gêne la circulation de la sève, et on produit un effet analogue à celui de plusieurs bourrelets. On acquiert encore l’avantage de conserver une plus grande quantité de sève, et de lui faire ressentir plus facilement les influences de la chaleur solaire ; aussi, de toutes les espèces de boutures, celles-ci sont, je le répète, les plus assurées à la reprise.

Dans la théorie, toutes les plantes doivent reprendre de boutures ; mais, dans la pratique, il n’y a que celles dont l’organisation est molle et aqueuse qui réussissent en pleine terre. Celles dont le bois est dur et la végétation lente ne peuvent se reproduire par ce moyen, qu’autant qu’on accélère ou force leur végétation, au moyen d’une chaleur artificielle considérable ; c’est-à-dire en les mettant sous châssis ou dans une serre, et en leur fournissant toute l’humidité nécessaire. Il est d’ailleurs quelques moyens d’assurer la reprise des boutures de bois durs ; ainsi on dit qu’en brûlant l’extrémité d’une branche de chêne de deux ans, on peut espérer de la voir pousser des racines ; ainsi on dit qu’en trempant le bout des branches encore plus rebelles à la reproduction par boutures, dans l’acide muriatique oxigéné, on parvient à les y rendre propres. Ces moyens ont besoin d’être de nouveau pratiqués, pour acquérir plus d’authenticité ; car la nature est si variable dans les phénomènes qu’elle présente, qu’on est chaque jour exposé à interpréter faussement les faits les plus simples, lorsqu’on se lasse trop facilement de l’interroger.

Il est quelques espèces d’arbres dont les boutures doivent être faites en automne ; le plus grand nombre demande à l’être en hiver, et plusieurs au printemps, lorsque les bourgeons commencent à se développer ; mais la connoissance de ces détails appartient aux pépiniéristes des arbres et arbustes d’agrément. Celles qui nous occupent en ce moment se font en hiver, comme je l’ai déjà dit ; on les étête le plus généralement, c’est-à-dire qu’on ne leur laisse que deux ou trois yeux hors de terre, par le principe abusif rapporté plus haut. Le terrain qui leur convient est généralement un terrain gras et humide ; on les espace comme les plants d’un semis de deux ans, c’est-à-dire à douze ou quinze pouces, et on les met sur un brin ; on les recèpe, on les laboure positivement de même : il est donc inutile que je répète ce que j’ai dit ci-devant à cet égard.

Pépinière des arbres fruitiers. La plus grands importance que l’on met, en général, et que véritablement on doit mettre aux pépinières d’arbres fruitiers, auroient dû m’engager à commencer par elles ; mais les travaux qu’elles exigent étant plus compliqués que ceux des pépinières forestières, j’ai cru plus naturel de faire précéder l’exposé de ceux de ces dernières.

Comme je l’ai déjà dit, nos pères n’employoient, pour renouveler le peu d’arbres à fruits qu’ils cultivoient, que de jeunes plants crûs naturellement dans les forêts, et presque toujours directement mis en place, dans leurs jardins ou vergers, pour y être greffés. Encore aujourd’hui, dans quelques endroits reculés de la France, on se procure, par le même moyen, des sujets pour des plantations particulières ; mais tous les grands pépiniéristes y ont renoncé depuis long-temps, non seulement par l’impossibilité de trouver la quantité de plant nécessaire à leur exploitation, mais encore à cause de la mauvaise qualité de ce plant qui, le plus souvent, n’est pas produit par graines, mais par rejetons de vieux pieds toujours mal enracinés et d’âge différent. Cependant, comme ce plant provient du type originel de chaque espèce, et qu’il est en conséquence plus fort et plus robuste que tout autre, on ne doit pas négliger de se le procurer par le semis des graines des arbres sauvages ; c’est le produit de ces semis que l’on devroit exclusivement appeler sauvageons dans les pépinières. Il étoit bon de donner d’abord cette explication, pour ne pas induire en erreur le lecteur.

On a reconnu que les produits des graines d’arbres déjà améliorés par la culture fournissoient des sujets plus foibles, et plus soumis aux variations de l’atmosphère ; mais que les fruits des espèces que l’on greffoit sur eux étoient plus beaux et plus savoureux, que ceux de celles greffées sur les sauvageons véritables. On a donc dû semer aussi de ces graines, et c’est leur produit qu’on appelle franc dans les pépinières.