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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/398

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De plus, il est d’expérience que les greffes faites sur quelques espèces du même genre, ou sur quelques variétés de la même espèce, donnoient des fruits encore plus beaux et meilleurs, ou plus hâtifs ou plus tardifs ; et ces circonstances ont dû décider à employer fréquemment ces espèces et ces variétés.

Ainsi on ne doit pas semer indifféremment toutes espèces de graines dans une pépinière d’arbres fruitiers ; il faut auparavant fixer la la nature et le nombre des arbres à multiplier ; car, dans chaque espèce, l’art consiste à déterminer la production d’une variété plutôt que celle d’une autre.

On ne distingue, en général, que cinq sortes d’arbres dans les pépinières, mais qui se tiennent par des milliers de nuances dont la série est insensible, et dont on ne peut indiquer ni le commencement, ni la fin. Ce sont les arbres de tige ou plein-vent, les demi-tiges, les quenouilles, les nains, et dans chacune de ces variétés, les hâtifs et les tardifs.

Les espèces botaniques d’arbres fruitiers, qu’on cultive ordinairement dans les pépinières des environs de Paris, se réduisent à dix, savoir : au pommier, au poirier, au coignassier, au cerisier, au prunier, à l’amandier, à l’abricotier, au pêcher, au noyer et au châtaignier, auxquels on peut joindre le noisetier, le néflier, le cormier, la vigne, le figuier, le mûrier, le framboisier et le groseillier ; mais, lorsqu’on entre dans le détail de leurs variétés, qui sont les espèces des jardiniers, on en trouve plus de six cents.

La culture du noyer, du châtaignier, du cormier, du néflier, du noisetier, lorsqu’on ne les greffe pas, est absolument la même que celle des arbres forestiers (et on les greffe rarement dans le climat de Paris.) Celle de la vigne est suffisamment traitée à son article ; celle du framboisier et du groseillier n’a rien de remarquable, et s’assimile à celles des arbres d’agrément de la seconde classe ; enfin, celle du mûrier et du figuier rentre complètement dans celle des arbres d’agrément de la cinquième classe.

Il ne reste donc à s’occuper ici que de la culture des huit premières espèces, qui sont véritablement celles qu’on entend ordinairement par arbres fruitiers.

Ces espères se divisent en arbres à pepins, qui sont le pommier, le poirier et le coignassier ; et en arbres à noyaux, qui sont le prunier, le cerisier, l’abricotier, l’amandier et le pêcher ; et, comme ces deux séries demandent une culture particulière, et généralement commune aux espèces qui les composent, je traiterai de chacune séparément.

Les arbres à pepins, destinés à servir de sujets pour la greffe des espèces les plus perfectionnées, proviennent ou de graines, ou de marcottes, ou de boutures.

Les graines, comme je l’ai observé au commencement de cet article, doivent être prises, les unes sur les arbres crûs dans les forêts, ou provenant directement de ces derniers, les autres sur des arbres déjà améliorés par la greffe et une longue culture. Dans les deux cas, il faut la choisir la plus nourrie et la plus mûre possible ; la conserver dans le fruit même aussi long-temps que faire se peut, et ensuite dans une terre fraîche. On la sème immédiatement après le dégel, soit en rayons, soit à la volée ; mais, dans l’un et l’autre cas, toujours très-claire, et on ne la couvre que d’un doigt au plus de terre bien fine.

La plupart des pépiniéristes des environs de Paris, il faut le dire, ne prennent pas assez de précautions pour se procurer de la graine qui remplisse, autant qu’il seroit à désirer, les indications mentionnées plus haut. L’économie de temps et d’argent les détermine plus que l’intérêt de leurs acheteurs, et même le leur bien entendu ; en général, ils sèment les graines des pommes qui ont servi à faire du cidre, ou des poires qui ont été employées à faire du poiré, graines qu’ils se procurent facilement, à bon marché, et quoique provenant d’arbres améliorés par la culture, et pas aussi améliorés que d’autres, et qui leur servent à greffer indifféremment toutes les espèces, il en résulte qu’on ne trouve plus chez eux de véritables tiges ou plein-vent, c’est-à-dire des greffes faites sur de véritables sauvageons dont la durée se compte par siècles, et que leurs basses tiges ne fournissent pas de fruits aussi beaux et aussi savoureux que si elles provenoient de greffes faites sur des sujets produits par les graines des plus excellentes espèces. Beaucoup de ces pépiniéristes tirent, il est vrai, leurs sujets, à moitié formés, d’Orléans, Caen, etc. ; mais, quoique les pépiniéristes qui le leur vendent aient plus de facilité pour se procurer de la véritable graine de sauvageons, on dit qu’on ne doit pas plus compter sur le plant qu’ils fournissent aujourd’hui sous ce nom, que sur celui qu’on prend à Vitri.

Ce que je viens de dire doit convaincre de la nécessité de ne point confondre, dans le semis, les différentes espèces de graines, ou mieux, les graines des différentes variétés de fruits,