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acquéreurs. Les pépiniéristes honnêtes n’en mettent pas en vente de cette espèce : mais malheureusement ils ne le sont pas tous.

J’ai décrit les procédés de la culture du plant des arbres fruitiers destinés à former des hautes tiges ; cependant, il est presque toujours, au contraire, de l’intérêt du pépiniériste de le greffer en écusson, et sur-tout en écusson à œil dormant, la seconde ou la troisième année de la plantation, au plus tard. Quelquefois, les sujets sont assez forts, dès la première, pour supporter cette opération ; mais leur bois ne peut avoir acquis la consistance nécessaire à une parfaite réussite ; et, quand on veut avoir de bons arbres, on doit savoir attendre que ce bois soit complètement formé.

Le principal avantage qu’on retire de cette méthode, c’est que, la greffe manquant, on ne perd qu’une année, et que le sujet a conservé toute sa valeur, la plaie se refermant promptement ; tandis que, lorsque la greffe en fente n’a pas réussi, il faut attendre deux et souvent trois années, comme je l’ai dit plus haut.

On trouvera, au mot Greffe, le détail des différentes espèces de greffes, et des soins qu’elles demandent ; ainsi, on y renvoie le lecteur. Il suffira de dire ici que les tiges des greffes à œil donnant doivent être coupées après l’hiver, non, comme on le pratique souvent, à plus d’un pied au dessus de l’œil, mais le plus près de cet œil qu’il sera possible, sans nuire au développement ultérieur de son bourgeon. Le mieux est certainement de commencer la section au dessous de la greffe, et du côté de l’arbre qui lui est opposé, de la terminer à deux ou trois lignes au dessus d’elle, et de recouvrir sur-le-champ la plaie avec de l’onguent de Saint-Fiacre, ou tout autre qui empêche l’extravasion de la sève, et favorise la guérison de la blessure, en la privant d’air. Une greffe ainsi conduite se redresse bien plus promptement que celle à qui on a laissé un talon, qu’on est obligé d’enlever l’année suivante, au préjudice de la nouvelle pousse, que cela fatigue.

Non seulement, comme je l’ai dit, il faut se procurer des sujets pour la greffe des arbres de plein vent, mais encore il est nécessaire de se pourvoir de ceux qui fournissent des arbres nains de toutes les espèces : ces derniers sont entièrement le produit de l’art ; aussi ne durent ils pas autant que ceux greffés sur franc, et encore moins que ceux greffés sur sauvageons.

Un pépiniériste, on ignore à quelle époque, mais elle n’est pas très-reculée, a remarqué qu’une variété du pommier franc, qu’on a appelée doucin, plus foible que les autres, étoit, à raison de cette foiblesse même, plus propre à servir de sujet pour greffer les bonnes espèces de pommiers qu’on destinoit à former des demi-tiges, tels qu’espaliers, pyramides, etc. ; et cette variété est devenue un arbre de la première importance pour lui et ses successeurs dans son art.

Un autre cultivateur a trouvé, dans une plantation de ce doucin, un pied encore plus foible qu’on a nommé paradis ; et il l’a multiplié pour former, avec ses rejetons, après les avoir greffés, les meilleures espèces d’arbres nains, tels que quenouilles, espaliers à basses tiges, et autres.

Ainsi l’homme, en dégradant la nature, a su l’améliorer pour son avantage ; car il n’est personne qui ne sache que les pommes en espalier, ou en quenouilles, sont généralement plus belles, et meilleures que celles en plein vent : mais aussi les arbres qui les produisent vieillissent-ils bien plus tôt que les autres ; et une greffe sur paradis, par exemple, approche-t-elle de la décrépitude, quand la même sur sauvageon commence à entrer en plein rapport. Mais ce n’est pas d’idées philosophiques dont je dois occuper le lecteur, et je reviens en conséquence à mon objet.

Comme il est important de conserver l’état d’altération effective dans lequel se trouve le doucin, et encore plus le paradis, on a dû éviter de les multiplier par semences ; ce qui auroit exposé à les ramener à leur état primitif ; en conséquence, on les a toujours perpétués par le moyen des boutures, des marcottes, et des rejetons. On doit donc avoir, dans toutes les pépinières bien montées, un nombre de pieds proportionné à leur étendue, de ces deux variétés, destinés à les fournir des sujets dont elles ont besoin pour les natures d’arbres énoncées plus haut, et pour celles qui leur sont analogues.

On redoute, en général, de faire des boutures de ces deux espèces, parce qu’elles manquent souvent, et l’on préfère, en conséquence, les marcottes et les rejetons.

On peut avoir très-sûrement les premières, ou en couvrant de terre la base des jeunes pousses qui ont crû autour d’un vieux pied, coupé ras de terre, ou en les couchant dans des fosses disposées à cet effet, ainsi qu’on le dira à l’article des Pépinières d’arbres d’agrément, où l’on pratique plus fréquemment cette opération, que dans celles dont je m’occupe en ce moment.