Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/402

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il est facile de se procurer les secondes en arrachant le tronc d’un vieux pied, et en laissant ses racines dans la terre, ou en le coupant ras de terre, et en empêchant les pousses de son tronc de se développer, ou simplement en blessant ses racines sans toucher au tronc.

Les mêmes pieds qui fournissent les marcottes produisent ordinairement, en même temps, des rejetons, et souvent en telle abondance, que, quelque familiarisé qu’on soit avec ce fait, on en est étonné chaque année.

Les marcottes, comme les rejetons, se lèvent dès l’hiver de la première année, et se plantent comme le plant du même âge. On leur donne les mêmes façons ; et, l’été de la seconde, le plant qu’elles ont produit est propre à être greffé en écusson, sorte de greffe qu’on pratique le plus volontiers sur cette espèce d’arbres, toujours à un ou deux pouces de terre. (Voyez aux mots Greffe et Pommier.) Quelques pépiniéristes les greffent même la première année, d’autres les greffent sur place, et ne les lèvent alors que la seconde année, au moment même de la vente. Ces deux méthodes peuvent être fructueuses pour eux, en ce qu’elles leur procurent plus promptement de l’argent ; mais elles ne fournissent jamais des arbres aussi sûrs à la reprise, et d’une aussi grande durée que ceux qui ont eu une année entière de pépinière, pendant laquelle ils se sont fait de bonnes racines.

En général, on enlève les arbres greffés sur doucin ou paradis, avant l’époque où il devient nécessaire de disposer leur tige, relativement à une destination quelconque ; ainsi il suffit au pépiniériste d’arrêter cette tige la troisième année, à quatre ou cinq pieds, en pinçant le bourgeon supérieur ; mais, quand leur séjour se prolonge dans les pépinières, il est souvent indispensable de les traiter comme s’ils étoient dans le jardin : ainsi, s’il veut en faire des quenouilles, il laissera croître tous les bourgeons latéraux, et les taillera l’année suivante. S’il veut en faire des espaliers, des buissons, etc., il rabattra la tige à deux ou trois yeux, et taillera les pousses l’année suivante, selon son intention ultérieure. Mais ces diverses opérations sortent des travaux de la pépinière, pour rentrer dans ceux du jardin ; en conséquence, on renvoie le lecteur aux mots Taille, Jardin et Pommier. Au reste, s’il est des pépiniéristes qui se livrent à ce genre de spéculation, sans y être forcés par le défaut de vente, c’est toujours dans des intentions blâmables ; car un arbre ainsi formé dans la pépinière, et qui y reste deux ou trois ans de plus, peut bien se vendre cher à l’acheteur ignorant, qui pense en avoir des fruits dès la première année de la plantation ; mais si, par hasard, il reprend, il ne fera jamais un bel arbre et ne vivra pas long-temps.

Il est à observer que les greffes sur doucin et paradis sont exposées à former un bourrelet monstrueux, qui est une maladie, une véritable exostose. On doit en conséquence rejeter tous les sujets qui portent ce caractère, comme ne devant durer que fort peu de temps.

Une partie des observations que je viens de faire sur les pommiers, s’appliquent aux poiriers. On sème les graines du poirier sauvage, pour avoir des sujets robustes, destinés à être greffés en arbres de plein vent. On sème les graines des meilleures espèces de poires cultivées, pour avoir des sujets plus foibles, mais plus propres à fournir de gros et d’excellens fruits en espaliers, en quenouilles, etc. Dans ces deux cas, les semis et le plant se conduisent, dans la pépinière, absolument comme ceux du pommier.

On n’a pas trouvé, parmi les variétés de poiriers cultivés, d’individus qui remplacent le doucin et le paradis ; mais on a remarqué très-anciennement que les bonnes espèces de poiriers greffés sur le coignassier, qui est une espèce botanique du même genre, moins élevée, (Voyez le mot Coignassier) donnoient du fruit bien plus promptement que lorsqu’on les greffoit sur franc ; de sorte que, quoique les arbres sur coignassier durent moins, on les a presque par-tout préférés, et que les pépiniéristes, en vendant quatre fois plus de cette sorte que des autres, ont été obligés de diriger leur culture en conséquence.

Ainsi, il faut donc avoir une grande quantité de jeunes cognassiers dans une pépinière, pour servir de sujets ; on se les procure ou par semis de graines, ou par rejets, ou par marcottes, ou par boutures, ou plus souvent par tous ces moyens à la fois. Ce que j’ai dit du doucin et du paradis s’applique complètement ici, excepté que le coignassier, reprenant très-facilement de boutures, on en fait beaucoup plus que des marcottes ; il est même plusieurs pépinières dont tous les sujets en proviennent.

Cependant, il faut l’avouer, si l’intérêt des pépiniéristes, sous plusieurs rapports, est de greffer toutes ces espères de poires sur coignassier, ce n’est pas toujours celui de l’acquéreur. Il est plusieurs de ces espèces, principalement parmi celles d’hiver, qui réussissent beaucoup mieux sur franc : cette circonstance,