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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/428

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celui-ci voit les perdrix rassemblées pour manger le grain laissé entre les quatre piquets, il tire sa corde et serre les lisières du filet contre terre, au moyen du cordon qui glisse dans les boucles, et fait descendre vers ces boucles les bords de ce filet : par là, les perdrix se trouvent renfermées comme dans une cage renversée. Le plus grand inconvénient de cette pratique est qu’il faut quêter son gibier et l’enfermer soi-même, au lieu que dans le trébuchet la présence du chasseur est inutile, et qu’il n’a besoin d’approcher qu’à l’heure qu’il sait que les perdrix s’occupent de chercher leur nourriture.

Les Grecs font aux perdrix une chasse fort singulière ; ils vont quêter dans les plaines, armés d’un fusil et d’une espèce de bannière ou étendard, composé de plusieurs morceaux de draps de toutes sortes de couleurs, et sur-tout de couleurs tranchantes, comme seroit un habit d’arlequin. Lorsqu’on a découvert une compagnie de perdrix, on déroule à leurs yeux cette bannière, et l’homme qui la porte et qui s’en couvre, les approche doucement. Cet objet produit sans doute sur ces oiseaux une stupeur pareille à l’impression qu’ils reçoivent de la vue de l’oiseau de proie ; car ils se blottissent et se laissent tuer tous les uns après les autres sans songer à fuir. Il faut probablement expliquer de la même manière l’effet de la chasse dite au leurre, dans laquelle un homme couvert de feuillages, et portant sur une espèce de petite claie de baguettes entrelacées un morceau de drap rouge, approche les perdrix, les chasse doucement devant lui, jusque sous des traîneaux ou dans des halliers ou filets quelconques, tendus à quelque distance.

Les perdrix rouges, communément plus estimées que les grises, et dans quelques cantons bien inférieures, d’après le goût que contracte leur chair selon la qualité des nourritures, se chassent, en beaucoup de circonstances, par les mêmes méthodes que les grises. Cependant la connoissance de leurs habitudes, différentes de celles des premières, doit servir à guider le chasseur et à lui faire modifier ses procédés. Les perdrix rouges, plus communes au midi qu’au nord de la France, préfèrent aux plaines, le séjour des coteaux, des lieux élevés, secs et pierreux ; elles fréquentent les jeunes taillis, les bruyères, les landes couvertes de genêts et de broussailles. C’est dans ces lieux et dans les sentiers qu’ils présentent qu’on doit leur tendre tous les collets, avec les précautions d’ailleurs recommandées pour les grises. Les rouges volent plus pesamment que celles-ci, mais courent mieux. Elles se rassemblent moins, partent plus difficilement : pour une qui se lève, il ne faut pas abandonner la place ; en la battant, on peut espérer d’en trouver encore d’autres éparses et plus paresseuses à partir. Cette habitude en rend plus agréable et plus sûre la chasse faite avec un bon chien d’arrêt ; mais cependant elles fatiguent quelquefois davantage le chasseur, quand elles se font quêter de coteaux en coteaux. On prend très-bien les perdrix rouges la nuit à l’aide du feu et sous les traîneaux. Lorsqu’on parcourt les champs sans lumière, il est indispensable, d’après la ténacité de ces oiseaux, de laisser traîner par terre l’extrémité postérieure de son filet, et même de l’armer de quelques branchages, dont le bruit ou l’attouchement les force à se lever. L’appeau des perdrix rouges (décrit à l’article Appeau) est un instrument singulièrement imitatif de la voix de la femelle ; on s’en sert avec le plus grand succès pour attirer les mâles, soit au filet, soit au fusil. Lorsque les femelles couvent, ceux-ci ont cela de différent de l’autre espèce, qu’ils les laissent tranquilles ; et, à cette époque, lorsqu’on les voit accourir, ce