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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/606

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successivement de l’eau à mesure qu’elle est absorbée ; ensuite on met les légumes coupés, puis les farines qu’on a eu la précaution de délayer dans un vase séparé, avec l’eau de la marmite, avec le sel ou la graisse ; on ajoute les aromates au temps indiqué. Il y a ici économie de bois et de peine. Ce procédé doit être employé dans la saison qui ne permet plus la jouissance des pommes de terre.

QUATRIÈME TABLEAU.
Eau 360 liv.
Farine d’orge 40
Idem de pois 15
Idem de lentilles 10
Graisse 3
Sel 5
Persil 4
Poireaux 2
Herbes cuites 4
Ognons 1
Ail 1 once
Thym, laurier, de chaque ½ once
Poivre 1 once
Bois 28 à 30 liv.

Ce procédé du quatrième tableau est le plus prompt et le plus facile à exécuter, et il ne s’agit que de délayer, dans un vase séparé, les farines avec l’eau préalablement échauffée dans la chaudière. Le moyen est constamment le même pour toutes les farines, c’est-à-dire qu’il faut ajouter d’abord peu d’eau dans le vase, et l’augmenter jusqu’à ce que l’on ait une bouillie assez claire pour passer par un tamis de crin peu serré ; on la mêle, en cet état, à l’eau restée dans la marmite avec les légumes qui, cette fois, y ont été mis les premiers. La soupe peut être commencée à neuf heures du matin, et finie à une heure après-midi. On ne donne ici ce procédé que pour prouver combien il est possible de varier les soupes, ainsi que les substances qui les constituent ; ce sont quatre méthodes qu’on peut varier à l’infini, selon les habitudes du pays, la saison et les facultés que l’on a de se procurer au meilleur compte, telle ou telle substance, plutôt que telle autre.

CINQUIÈME TABLEAU.
Soupe aux herbes et racines.
Carottes, poireau 2 liv.
Navets 6
Céleri, panais 1
Oseille 4
Cerfeuil 1
Ciboules 1
Orge mondé 35
Ou riz 30
Eau 350 liv.

On fait crever l’orge ou le riz à la manière accoutumée ; on y ajoute les racines, puis les herbes coupées menues, à l’exception du cerfeuil et de la ciboule qu’on hache extrêmement menus et dont on saupoudre le pain avant de verser le bouillon dessus.

L’expérience constante de tous les âges et de toutes les conditions, a démontré qu’il n’est pas de nourriture plus propre à conserver la santé, que celle à laquelle on est accoutumé dès l’enfance. Les soupes aux légumes doivent être regardées comme une continuité de l’usage de la bouillie ou de la panade. Dans l’état de foiblesse et de nullité, si elles formoient essentiellement la base du régime des nouveaux nés, les maladies du premier âge seroient peut-être moins communes et les constitutions plus robustes ?

Mais c’est moins sur la composition des soupes économiques qu’il nous paroît nécessaire d’insister, que sur la facilité et la promptitude de leur confection, et relativement aux avantages qu’il y a dans certaines circonstances critiques de faire subsister un grand nombre d’individus réunis dans la même enceinte.

Avantage des soupes aux légumes. Si l’établissement des soupes économiques a eu d’abord pour objet spécial le soulagement de la classe peu fortunée, l’expérience n’a pas tardé à démontrer qu’on en retireroit d’autres avantages aussi précieux ; d’abord l’économie de combustible, du temps et de la main-d’œuvre, un moyen puissant d’accréditer en France l’usage de l’orge sous toutes les formes, de maintenir et d’étendre même la culture des pommes de terre et des semences légumineuses, et de diminuer, par conséquent, la consommation du pain, effrayante pour ce qu’elle coûte à l’agriculture ; enfin, la distribution des cartes de soupes est peut-être le seul moyen de remédier à l’abus qu’on peut faire des secours en argent, les plus funestes de tous, parce qu’au lieu de soulager les besoins réels, ils ne servent souvent qu’à satisfaire les passions, telles que la boisson des liqueurs fortes et les perfides espérances des jeux de hasard, ce qui contribue à entretenir la fainéantise, d’où naît la mendicité, ce fléau des États.

Qu’on ne soit donc plus étonné si tant d’efforts se sont réunis pour fournir à mille