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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/614

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teurs ne sont pas assez fortunés pour pouvoir faire des avances et supporter des retards de produits, ne peut pas en avoir davantage. L’un et l’autre n’auront pas une brillante agriculture, et c’est ce que l’expérience prouve par-tout.

Il eût été bon, malgré cela, d’indiquer les bases des assolemens en tous les climats de la France ; mais nous manquons des données nécessaires, sur-tout de celles propres aux départemens méridionaux où les cultures sont si différente». Il n’y a pas de doute cependant qu’il ne soit possible de les y introduire. On les pratique, ainsi que je m’en suis assuré personnellement, avec un prodigieux succès dans le nord de l’Italie ; mais c’est au moyen des irrigations, et il n’est pas donné à tous les terrains de jouir de cet avantage.

Nous nous bornerons donc ici à suivre l’excellent plan d’assolement de Pictet, pour les climats intermédiaires, tels que celui de Paris, et nous laisserons au lecteur le soin d’en modifier les principes pour les appliquer aux cultures des pays plus froids ou plus chauds.

Cet estimable auteur résume ainsi toute sa théorie :

« C’est un principe bien reconnu en agriculture, que lorsque sur un même terrain on fait succéder plusieurs récoltes de céréales, ce terrain s’épuise plus ou moins promptement, et finit par être entièrement occupé par des plantes nuisibles au blé. Quelles sont donc les productions qui peuvent les remplacer avantageusement, puisque la terre ne refuse pas de les produire ? Ce sont celles qui exigent une culture pendant leur végétation, et celles qui, s’emparant exclusivement du sol, s’opposent à la croissance de toutes autres plantes, et permettent aux sucs nourriciers de s’accumuler dans la terre. »

La règle qu’on doit se proposer dans le choix d’un assolement, c’est qu’il nettoie la terre, la maintienne en bon état et lui fasse donner le plus grand revenu possible ; c’est une circonstance heureuse, mais non pas essentielle dans un assolement, qu’il procure alternativement une récolte servant à la nourriture de l’homme, et une récolte destinée à celle des bestiaux.

Les assolemens peuvent et doivent se varier de tant de manières, suivant la nature du sol seulement, qu’il seroit impossible d’en établir qui fussent applicables à tous les terrains. Il faut donc s’en tenir aux deux grandes divisions des terres légères et des terres argileuses.

Assolement des terres légères. Les terres de cette sorte sont ordinairement destinées, dans le système des jachères, presque exclusivement au seigle et à l’orge, et on les laisse quelquefois reposer plusieurs années de suite ; mais par celui des assolemens, on trouve moyen d’en tirer de belles récoltes en froment et de les faire produire tous les ans. C’est principalement a l’introduction du trèfle et des raves dans la grande culture qu’on doit cette amélioration remarquable.

Ces deux plantes croissent presque toujours avec la plus grande vigueur dans les sols dont il est ici question, lorsqu’ils sont nouvellement défrichés. Leur fanage ne permet pas aux plantes annuelles de se développer, et étouffe toutes les plantes vivaces que les labours n’avoient point fait périr ; mais ce n’est pas seulement sous ces rapports qu’elles améliorent les récoltes suivantes ; c’est en empêchant l’évaporation de l’eau des pluies d’un côté, et en fixant dans la terre celle qui entre comme partie constituante de leurs racines. Cette explication des effets étonnans de ces deux plantes n’a pas encore été proposée, que je sache ; mais elle doit être plausible à tous ceux qui savent que l’eau est nécessaire à la végétation, et qu’un des inconvéniens des terres légères est d’être trop sèches.

On voit par là pourquoi la meilleure culture des terrains extrêmement secs et arides, est d’y renfermer, en état même de végétation active, le sarrasin, le lupin, la spergule, et autres plantes à tiges aqueuses, que leur nature permet d’y croître. On voit par là quelle est la cause qui, dans tous les pays où la terre, moins aride, rend possible la culture des raves, a fait adopter cette culture comme un des plus puissans moyens d’amélioration.

On ne sauroit donc trop vanter la rave ou le turneps, ce qui est la même chose ; on ne sauroit trop en recommander la culture en France, où elle n’est presque pas connue, et où il y a tant de terrains dont elle peut doubler les productions. C’est un manger sain pour l’homme, sain pour les animaux, et qui n’a d’autre inconvénient que de ne pouvoir se garder long-temps.

Un des grands avantages de l’introduction des raves dans la rotation des assolemens, dit Pictet, est qu’on peut faire paître dessus les moutons, et, par là, abréger le long circuit ordinaire du résidu des productions fourrageuses pour retourner à la terre. En effet,