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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/615

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par ce moyen, on évite des frais de transport, et on ne perd ni le suint, ni l’urine, ni les excrémens des moutons. Cela, joint aux restes des feuilles et des racines qui pourrissent, donne un second engrais aussi efficace que celui qui avoit été répandu pour assurer la récolte. Mais, quelque précieuse que soit leur culture, il ne faut pas la regarder, avec les agriculteurs anglais, comme indispensable dans une ferme. On peut les remplacer, avec avantage, sur-tout dans les départemens méridionaux, par d’autres racines aqueuses, telles que les betteraves, les carottes, etc. La rave est la plante des pays froids et humides, et il ne faut pas trop contrarier la nature lorsqu’on veut en tirer tout le parti possible. Dans les contrées où les théories modernes n’ont pas pénétré, telles que l’Espagne, on a été conduit par l’expérience à cultiver en grand la rave sur le penchant des hautes montagnes de la Galice et de la Biscaye, et à la repousser dans les plaines de la Vieille-Castille. Vouloir l’introduire dans celles de la Provence et du Languedoc, seroit folie dans ceux qui l’entreprendroient, si auparavant ils ne s’étoient assurés de moyens suffisans d’irrigation.

Les prairies artificielles peuvent entrer avec succès dans les assolemens des terres légères ; elles réunissent le double avantage de fournir de grands produits et de donner au sol le moyen d’accumuler, pendant le temps de leur durée, les sucs propres à la nourriture du blé. Les prairies naturelles, ou mieux de graminées choisies, ont aussi leur avantage. Il faut savoir se déterminer selon les circonstances.

Mais le trèfle est la plante par excellence pour les assolemens des terres légères. Il pousse ordinairement avec une extrême vigueur dans celles qui n’en ont jamais porté. Son ombre épaisse tue les graminées vivaces, entr’autres le chiendent, la peste des cultivateurs ; mais ses bons effets décroissent d’année en année, si on n’a pas soin d’éloigner ses retours. On s’en est apperçu d’une manière sensible en Angleterre, où on en avoit d’abord usé sans modération.

Dans la province de Norfolck, si réputée par l’excellence de son agriculture, on fait des assolemens de quatre ans dans ces sortes de terres. On sème d’abord des raves sur le fonds qu’on vient de défricher, après l’avoir fortement fumé ; ordinairement on en fait consommer la récolte sur pied par les moutons, comme il a été dit plus haut. L’année suivante, on sème du trèfle avec de l’orge. Cette orge, qui croît dans un terrain parfaitement meuble et bien engraissé, est toujours belle ; mais ce n’est pas cependant celle qu’on a en vue, c’est le trèfle qui, après que l’orge est coupée, prend possession du terrain et donne un pâturage abondant, ou deux à trois coupes avantageuses, suivant la saison.

Au trèfle succède le froment, sur un seul labour. Ce froment, semé dans une terre complètement exempte de chiendent et autres herbes nuisibles, améliorée par la culture précédente et qui n’a pas porté de blé depuis quatre ans, donne ordinairement huit à neuf pour un de produit moyen, quoiqu’il ne soit pas dans ce qu’on appelle terre à blé, et qu’on ne retirât de cette même terre, avant la pratique des assolemens, que de chétives moissons de seigle.

Lorsque les raves manquent, on leur substitue du sarrasin que l’on enterre quand il est en pleine fleur. Lorsque c’est l’orge, on la remplace par de la vesce qu’on fait pâturer sur place.

L’avoine et le seigle, peuvent également procurer une récolte supplémentaire pour faire pâturer en vert ; mais elles n’ont pas l’avantage d’étouffer les mauvaises herbes.

Il est à remarquer que sur les quatre années, ce n’est que la première qu’on laboure plus de deux fois le terrain, et qu’on le fume avec des engrais apportés de la ferme.

Un des motifs qui repoussent plusieurs plantes des assolemens du comté de Norfolck, c’est qu’elles ne peuvent pas se consommer sur la ferme même, et que les cultivateurs de ce canton ont établi en principe qu’ils ne devoient tirer d’argent que de la vente de leurs bestiaux ou de leurs blés. Vendre les pommes de terre, les carottes, les fèves, les pois, et en général le produit des récoltes secondaires dont on pourroit engraisser des bestiaux, leur paroît une marche mesquine ; mais si leur position les autorise à penser et à agir ainsi, il en est beaucoup d’autres où ce seroit folie de le faire. Il faut qu’une bonne agriculture s’occupe de produire tous les objets utiles, non seulement au fermier et à sa terre, mais à ses concitoyens, soit sous le point de vue de la nourriture, soit sous celui des arts.

On peut observer que l’assolement qui vient d’être rapporté, quelque avantageux qu’il soit pour les fermiers qui le pratiquent, ne remplit pas aussi complètement qu’on peut le désirer toutes les données de la théorie. En