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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/683

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plus souvent qu’ils ne marchent ; enfin elle est huileuse dans les oiseaux qui vivent de poissons, et dans les poissons eux-mêmes : de là, une multitude innombrable de nuances et de qualités de viande, qui offrent aux hommes des alimens plus ou moins sains, plus ou moins savoureux.

Des différens moyens de conserver la viande. Il est des circonstances où, dans l’impossibilité de fournir à un certain nombre d’hommes de la viande fraîche en proportion de la consommation, on a besoin de la remplacer par celle qu’on a amenée par des moyens particuliers, à un état propre à la conserver un temps plus ou moins long.

La viande mise dans un lieu frais et sec, où par conséquent elle est à l’abri de la chaleur et de l’humidité, deux puissans agens de la putréfaction, se conserve un certain temps ; exposée même à une température au dessous de la glace, elle reste constamment dans le même état de fraîcheur où elle étoit à l’instant où la gelée l’a surprise. C’est ainsi que les habitans du Canada gardent leur viande pendant le fort de l’hiver. Les soldats à qui on distribue de la viande pour huit ou dix jours, ont coutume de lui faire éprouver une légère dessiccation préalable au feu et à la fumée, ce qu’on appelle boucaner ; ils parviennent, par ce moyen, à la manger le dixième jour, sinon aussi délicate, au moins aussi saine que lorsqu’elle est fraîche.

Ce moyen est celui qu’emploient les Lapons pour conserver la viande et le poisson, excepté que destinant les substances animales à une plus longue durée que celle qui suffit aux viandes de nos soldats, ils poussent plus loin la dessiccation. Il y a une trentaine d’années que M. Cazalès, professeur de physique et de chimie à Bordeaux, a présenté un procédé pour dessécher le bœuf. Voici en quoi il consiste :

On met la viande de bœuf non soufflée, désossée, découpée en morceaux de plusieurs livres, dans une étuve de huit pieds de long sur quatre de large, et cinq pieds et demi de hauteur ; à l’aide de deux poêles, on porte la température à 55 degrés du thermomètre de Réaumur, et on la soutient pendant soixante-douze heures. La viande desséchée acquiert la couleur de la viande cuite : on la plonge dans une dissolution de gelée faite avec les os, ayant une consistance de sirop ; on la reporte à l’étuve, l’humidité s’évapore, et la viande reste recouverte d’une espèce de vernis, qu’on pourroit remplacer avec avantage par celui que donne le blanc d’œuf desséché.

Pour faire du bouillon avec cette viande, on la passe à l’eau qui lui enlève son vernis, on jette cette eau ; ensuite on met la viande à tremper pendant douze heures dans l’eau destinée à faire le bouillon ; une ébullition de trois à quatre minutes suffit pour opérer la cuisson de la viande : on ajoute du sel et un clou de girofle. Le bouillon est presqu’aussi agréable que celui de la viande fraîche, et la viande presqu’aussi tendre.

Le bœuf de Hambourg se prépare, en exposant la viande à la fumée, après l’avoir saupoudrée de sel, et forcé le sel à pénétrer dans l’intérieur des morceaux, à l’aide d’une forte compression.

Lorsqu’on prépare de la viande pour la provision d’une maison, on prend une livre de sel et une once de salpêtre, pour quatorze ou quinze livres de viande, dépouillée de sang et desséchée : on frotte les morceaux avec le sel ; on les laisse pendant un mois les uns sur les autres dans un saloir, avec la précaution de les retourner tous les huit jours. Au bout d’un mois, on essuie ces morceaux de viande ; on absorbe l’humidité avec du son, et on les suspend dans l’intérieur de la cheminée de la cuisine, ou dans une étuve.

Si la viande est destinée à être envoyée dans les pays chauds, ou à passer les mers, on double la quantité de sel, et on arrange les morceaux suffisamment secs, avec de la sciure de bois, dans des barils qu’on remplit et qu’on ferme avec soin.

Les bœufs étant égorgés et dépouillés de leurs peaux, on les vide, on sépare les têtes et les pieds ; on désosse la viande ; on la laisse se mortifier pendant deux jours ; on la découpe en morceaux de cinq à six livres ; on les frotte avec du sel, mêlé à une petite