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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/69

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brusque, l’amaigrissement et l’engraissement alternatifs ; les pâturages humides, l’exercice prématuré ; les alimens secs donnés avant la possibilité d’une mastication assez forte.

§. I. Le sevrage brusque, L’amaigrissement et l’engraissement alternatifs. Dans la plus grande partie de nos pays d’élèves, le poulain n’est pas plutôt dans le cas d’être sevré qu’il est vendu. Il est séparé de sa mère subitement et de la manière la plus cruelle. Attaché loin d’elle, il fait les efforts les plus violens pour rompre ses liens ; ces efforts continuent jusqu’à ce qu’épuisé de fatigue, il reste sans forces et sans mouvement ; quelques uns périssent subitement, ou en peu de temps, des suites de cette violence faite à la nature.

Le nouveau propriétaire place ce poulain dans un pâturage maigre, où il dépérit sensiblement. Six à huit mois après, il est mis dans un bon fonds ; il s’y engraisse promptement, alors il est vendu de nouveau ; le nouvel acquéreur le laisse encore dépérir pour l’engraisser une seconde fois et le vendre de même. Le troisième propriétaire le fait travailler au delà de ses moyens, le nourrit très-peu, le fait encore maigrir, puis l’engraisse d’autant plus promptement et avec d’autant moins de dépenses, qu’il étoit plus maigre.

§ II. Les pâturages humides. Toutes les plantes des prairies basses, où l’humidité abonde, sont plus nourries et croissent plus promptement que celles qui composent les prairies des lieux élevés ; les parties constituantes de celles-ci, sont élaborées dans des proportions qui en font la perfection, tandis que les autres ne renferment, pour ainsi dire, que de l’eau. Leur embonpoint apparent ne tient point à un état parfait de santé, puisqu’elles ne fleurissent pas plus tôt ne les autres, qu’elles ont infiniment moins d’arôme, qu’elles sont moins savoureuses, et par conséquent moins appétissantes : aussi l’animal ne les mange-t-il que parce qu’il est pressé par la faim, tandis qu’il dévore celles qui croissent sur un terrain sec.

Les fourrages, ou le foin de ces prairies basses, de même que les plantes mangées en vert, gonflent les entrailles, les surchargent d’une quantité excessive d’alimens qui renferment, sous beaucoup de volume, une très-petite quantité de sucs nutritifs ; de là, la grosseur excessive du ventre de ces animaux, ainsi que le volume énorme de leur tête.

L’expérience prouve encore que, lorsque ces prairies basses abondent en trèfle, et surtout en luzerne sauvage, les yeux des chevaux en souffrent infiniment plus que lorsque ces plantes ne s’y trouvent qu’en très-petite quantité ; cette circonstance a été si bien sentie par certains cultivateurs, que plusieurs d’entr’eux ôtent, après le sevrage, les poulains de ces pâturages, soit en les vendant, soit en les conduisant dans des prairies plus élevées.

Le foin provenant de prairies que l’on a soin d’engraisser tous les ans ou tous les deux ans, fait aussi naître la fluxion, soit aux chevaux indigènes, soit aux chevaux exotiques de tout âge.

§. III. Le travail prématuré. Le travail que l’animal fait avant d’être formé, débilite les organes, s’oppose à leur développement, suspend et retarde les digestions, et dispose aux pléthores sanguines, qui établissent dans les vaisseaux les plus fins et les plus déliés des orgasmes et des stagnations, d’où naissent des engorgemens ; et comme les vaisseaux du globe sont ceux qui présentent le moins de résistance, c’est aussi sur eux que ces effets se font sentir le plus souvent et de la manière la plus forte.

§ IV. Les alimens secs donnés avant la possibilité d’une mastication assez forte. Les poulains et pouliches ne restent guères dans les pâturages que jusqu’à l’âge de trois ans ; à cette époque, ils sont mis à la nourriture sèche et au grain, tandis qu’ils devroient ne manger que de l’herbe ; ils sont transplantés dans une région étrangère, tandis que, jusqu’à leur parfait développement, ils devroient habiter le sol qui les a vus naître ; la nourriture sèche et dure qu’on leur donne, exige de la part des mâchoires, des efforts supérieurs à ceux de leur force ; aussi sont-ils insuffisans pour une bonne mastication. Les alimens parvenus dans l’estomac séjournent plus long-temps qu’ils ne le devroient faire dans ce viscère ont la débilité ne permet pas une digestion complète ; les efforts des mâchoires attirent sur la tête une affluence plus considérable de sang : ce fluide en dilate les vaisseaux au delà de leur ton naturel, et les parois fines et déliées des artères et des veines, que l’œil reçoit en grand nombre, sont subjuguées d’autant plus facilement, qu’elles sont entourées de beaucoup de graisse, et