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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/70

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qu’elles sont en quelque sorte à l’abri de toute compression. La dilatation contre nature que ces canaux éprouvent les prédispose à recevoir et à admettre une plus grande quantité d’humeurs. La protrusion des dents est toujours accompagnée de l’afflux du sang dans les gencives, la membrane pituitaire, et généralement sur toutes les parties voisines ; les vaisseaux qui portent la nourriture et la vie dans le globe de l’œil admettent, aussi à cette époque, une plus grande abondance de fluide, en sorte que les yeux participent toujours plus ou moins de ces effets, ainsi que la bouche et le nez.

§. I. L’air vicié des écuries. Rien n’est plus funeste pour la santé des chevaux, en général, et pour leurs yeux en particulier, que l’excès de chaleur et l’air vicié des écuries ; ils épuisent les animaux par des excrétions forcées ; ils les maintiennent dans une sorte d’orgasme continuel ; cette cause maladive travaille sans cesse au détriment de l’économie ; ses impressions, sur les yeux des chevaux, sont d’autant plus marquées, qu’elle a plus d’intensité.

Les fumiers accumulés dans les écuries sont un foyer qui exhale continuellement des vapeurs qui irritent, agacent les yeux au point de faire couler une ample quantité de larmes.

Ces exhalaisons n’émanent pas toujours des couches plus ou moins épaisses de fumier qu’on laisse croupir et pourrir sous les chevaux : nous voyons un grand nombre d’écuries de cavalerie qui sont nettoyées régulièrement deux fois le jour ; mais toutes ou presque toutes celles que nous avons vues, étant pavées avec des pierres plus ou moins sphériques, fixées par le moyen du sable, présentent des interstices très-considérables, au travers desquels l’urine des animaux s’insinue et pénètre la terre, en sorte que l’urine, dont il ne se perd pas une goutte, se décompose, s’élève en vapeurs, et affecte d’autant plus fortement les yeux et l’odorat des hommes et des chevaux, que cette liqueur n’est point retenue comme dans le cas précédent, par la litière qu’elle imbibe alors, et qui manque totalement ici. Ces vapeurs, agissant sans cesse sur les yeux des chevaux, les irritent et y font affluer le sang et les humeurs, de manière que les fluxions dont il s’agit, sont d’autant plus fréquentes et d’autant plus multipliées, que les écuries sont plus mal pavées, qu’elles ont moins de paille, qu’elles sont plus basses, plus échauffées et moins aérées.

Ces vapeurs titillent et agacent la cornée lucide, la conjonctive et les paupières ; ce qui dispose l’œil ou les yeux à devenir le foyer de l’affection qui nous occupe.

Les pays où le foin est rare, on les prairies artificielles sont méconnues, ne sont pas exempts de cette maladie, sur-tout si on substitue à cet aliment, ainsi qu’il est d’usage, le fourrage qu’on appelle hivernage ; c’est-à-dire, les pois, les vesces, les féveroles, etc., par la raison que ces fourrages sont de très-difficile digestion, qu’ils exigent une longue et forte mastication ; qu’ils sont venteux, et donnent même très-souvent lieu à des indigestions mortelles.

Ces fourrages ne sont pas les seuls qui déterminent la fluxion périodique ; la paille de seigle, celle d’orge, ainsi que l’avoine mal récoltée, qui auroit fermenté dans les champs et dans les greniers, forment des alimens d’une très-difficile digestion et qui sont la source de cette maladie ; c’est ce qui a été observé dans plusieurs régimens de cavalerie, la fluxion s’étant montrée sur la presque totalité des chevaux, plusieurs mois après qu’ils avoient fait usage de ces alimens.


CHAPITRE III.

Altérations que ces causes produisent dans les animaux. Nous allons les développer sous plusieurs chefs. Nous considérerons principalement : 1°. les embarras des organes digestifs ; 2°. les gourmes imparfaites ; 3°. les coups de sang à la tête.

Embarras des organes digestifs. Les chevaux qui restent trop long-temps dans l’écurie, tels que ceux des troupes sur-tout, qui ne sortent que deux ou trois heures sur quarante-huit, éprouvent nécessairement des gonflemens et des engorgemens dans les entrailles, qu’un exercice doux et journalier dissiperoit. Les excrétions stercorales sont encore diminuées par une transpiration forcée et continuelle que la chaleur excessive des écuries occasionne ; et l’exercice qu’on exige de ces animaux, toutes les quarante-huit heures, étant violent et presque exécuté en masse, sur un terrain poudreux, il en résulte qu’il suspend plutôt qu’il