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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/691

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lore constamment et ne les clarifie pas toujours ; la plupart conservent un brouillard plus ou moins épais, et ne sont jamais ce qu’on appelle clairs fins ; mais ce moyen a aussi quelques avantages sur la colle de poisson, pour les vins rouges plus visqueux, plus pesans. Le blanc d’œuf entraîne beaucoup mieux les parties tartareuses en extraction qui s’y trouvent en plus grand nombre que dans les vins blancs ; tandis que la colle de poisson, qui est légère, reste suspendue dans le vin rouge avec les parties qu’elle n’a pas la force d’entraîner.

En Allemagne, on ne se sert jamais, ou très-rarement, de l’albumen pour coller les vins, c’est la colle de poisson qu’on préfère. Les tonneliers interrogés sur les motifs de cette préférence, ont répondu que c’étoit pour plusieurs raisons : 1°. parce qu’en se servant de cette première substance, il n’en falloit que très-peu pour coller beaucoup de vins ; 2°. pour la seconde, ils étoient obligés d’en employer une trop grande quantité qui altéroit sur-tout la qualité de ce liquide ; qu’en outre les blancs d’œufs étoient trop crus, c’est-à-dire, qu’ils n’étoient pas assez animalisés ; car on sait que plus une substance a ce caractère, plus elle est propre à la clarification des liqueurs. Le sang plus animalisé que les autres matières animales, opère dans ce cas le plus grand effet, sur-tout quand il se trouve un peu altéré.

La colle de Flandre a été également essayée ; non seulement elle ne clarifie pas complètement les vins, mais elle leur communique encore une saveur très-désagréable ; ils se colorent promptement et ne tardent pas à s’altérer. L’opinion dans laquelle on est que cette substance fait la base de la colle des brasseurs, pour la clarification de la bière, m’a déterminé à soumettre à quelques expériences cette colle prise au hasard dans le commerce de la brasserie, et je me suis assuré que c’étoit la colle de poisson ; il peut bien arriver que dans les circonstances où cette denrée, de quatre à cinq francs la livre qu’elle coûte ordinairement, se vend jusqu’à seize francs, on la remplace par la colle de Flandre qui, en qualité de gélatine animale, peut très-bien clarifier la bière.

Quelques écrivains qui ont essayé de jeter du jour sur ces matières, prétendent que les substances gélatineuses sont les plus efficaces pour le collage de la bière ; mais ils indiquent la gomme arabique comme très-propre à cette opération : on ne s’en sert néanmoins que fort rarement, à cause du prix qu’elle coûte, et du corps qu’elle donne à la liqueur, ce qui, suivant l’idée des ouvriers, la rend moins mousseuse, moins délicate et très-inférieure en qualité à la bière dans la composition de laquelle on a fait entrer des substances animales.

Il paroît encore que dans plusieurs endroits les brasseurs emploient, au lieu de tous les agens clarifions que nous venons de citer, le sérum du sang de bœuf lorsqu’il est bien séparé du caillot. Ils se gardent bien d’en convenir, pour l’ordinaire, à cause du dégoût qu’une telle substance pourroit inspirer à beaucoup de consommateurs. Cependant, lorsque ce sérum est pur et battu avec un peu d’eau ou de la liqueur des tonneaux dans lesquels on le verse, la clarification s’en fait très-bien.

La clarification des vins, de la bière, opérée d’une manière quelconque, laisse précipiter dans la lie un gluten animal ; la colle de poisson particulièrement en fournit abondamment, est plus susceptible de se putréfier, et développe une odeur de marée. Ainsi, comme le sérum du sang est albumineux, et la colle de poisson gélatineuse, ou pourroit reconnoître dans les lies de vin ou de bière, laquelle des deux substances a servi à clarifier ces liqueurs ; ces lies putréfiées exhalent une odeur très-animale, sur-tout lorsqu’on en fabrique du vinaigre.

En examinant attentivement la question dont il s’agit, on est disposé à croire que, de toutes les matières propres à la clarification des liquides, et à leur donner ensuite cette limpidité qu’ils ne peuvent acquérir et conserver par le simple repos et par les filtres, l’albumine est la seule qui convient le mieux, sous les rapports du temps, de la perfection, et particulièrement à cause du peu d’altération qu’elle leur fait éprouver ; que peut-être même, les gélatines animales ne pos-