Page:Ruskin - Les Pierres de Venise.djvu/238

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du marbre que je n’ai pu aborder jusqu’ici et grâce auxquels, sans abandonner aucunement le terrain des principes, nous pourrons reconnaître quelque lueur d’honnêteté politique dans cette affaire.


Considérons d’abord dans quel but le marbre semble avoir été créé. Sur la plus grande partie du globe, nous trouvons un rocher providentiellement placé pour le service de l’homme : ce n'est pas un rocher vulgaire, il est assez rare pour éveiller un certain degré d’intérêt et d’attention, pas assez rare, cependant, pour l’empêcher de remplir l’usage auquel il est destiné. Il a exactement le degré de consistance nécessaire pour être sculpté ; il n'est ni trop dur, ni fragile, ni floconneux ; il ne se brise pas en éclats, il est uniforme, délicat, il a la souplesse voulue pour que le sculpteur puisse le travailler sans effort et tracer sur lui les belles lignes des formes accomplies et pourtant, il offre assez de résistance pour ne jamais trahir la touche de l’acier en se réduisant en poussière. Il a été si admirablement cristallisé par de durables éléments qu’aucune pluie ne le dissout, qu’aucun temps écoulé ne le change, qu’aucune atmosphère ne le décompose : une fois qu'il a reçu une forme, il la garde à jamais, à moins d’être exposé à la violence ou au frottement. Ce rocher est préparé par la nature pour le sculpteur et pour l'architecte tout comme le papier est préparé par le fabricant pour l’artiste, avec le même — non — , avec un plus grand soin et une plus parfaite adaptation de la matière requise.

De ces marbres, quelques-uns sont blancs et quelques-uns colorés ; il y en a plus de colorés que de blancs, les colorés devant couvrir de grandes étendues, alors que le blanc est évidemment destiné à la sculpture.