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Page:Rutebeuf - Oeuvres complètes, recueillies par Jubinal, tome I, 1839.djvu/146

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LA NOUVELLE

Remembre-vos de l’Évuangile
Qui dist qui ne lait peire et meire,
Fame et enfans et suers et freires,
Possessions et manandies,
Qu’il n’a pas avec li parties.

Baron, qu’aveiz-voz en pancei ?
Seront jamais par vos tensei
Cil d’Acre qui sunt en balance
Et de secorre en espérance ?
Cuens de Flandres ou de Bergoingne,
Cuens de Nevers[1] con grant vergoingne
De perdre la terre absolue
Qui à voz tenz nos iert tolue !
Et vos autres baron encemble,
Qu’en dites-vos ? que il vos cemble ?
Saveiz-vos honte si aperte
Com de soffrir si laide perte ?

Tournoieur, vos qui aleiz
En yver, et vos enjaleiz
Querre places à tournoier,
Vos ne poeiz mieux foloier.
Vos despandeiz et sens raison

  1. Le comte de Flandre auquel Rutebeuf s’adresse ici est Gui, fils de Guillaume de Dampierre et de Marguerite II, fille puînée de Baudouin IX, qui avait succédé à Jeanne sa sœur. Gui fut associé au gouvernement en 1251, devint comte de Namur en 1263, et succéda à sa mère dans le comté de Nevers en 1280. — Le comte de Bourgogne est Philippe, mari en secondes noces d’Alix de Méranie, veuve de Hugues IV. Il était en outre comte de Savoie, et mourut en l’année 1277. — Enfin le comte de Nevers est Robert de Dampierre, qui épousa en 1272 Yolande, veuve de Tristan, fils de saint Louis, mort devant Tunis en 1270, et auquel ce mariage donna le comté de Nevers.