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Page:Rutebeuf - Oeuvres complètes, recueillies par Jubinal, tome I, 1839.djvu/26

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XXVI
PRÉFACE.

sont emparés par droit de génie de la plupart des contes du vieux trouvère, et les ont rajeunis sans effort sous leur plume immortelle. Le fond de quelques-uns des fabliaux de Rutebeuf est malheureusement très-ordurier, et celui de quelques autres très-libre ; en outre les choses saintes y sont beaucoup trop mêlées aux profanes ; et dans le conte du Sacristain, par exemple, la Vierge[1] joue un rôle assez singulier. Mais qu’y faire ? ce sont là les défauts de l’époque. Gauthier de Coinsy, qui a rimé pieusement les miracles de Notre-Dame, n’y met pas plus de façons, et il place comme Rutebeuf l’intervention de la mère de Dieu en des cas dont la pensée seule scandaliserait fort aujourd’hui nos chatouilleux dévots.

C’est par suite de cette croyance à la Vierge, dont le culte avait surtout été pratiqué au 12e siècle, que Rutebeuf composa quelques pièces en l’honneur de Notre-Dame, et surtout son Miracle de Théophile. Cet essai dramatique curieux, dans lequel il ne faut pas voir seulement l’un des premiers ouvrages de ce genre que nous ayons en notre langue, et qu’il faut se garder de mettre, ainsi qu’on l’a voulu[2], au nombre des dialogues précédés et interrompus par des récits que l’auteur fait en son propre nom, fut probablement commandé à Rutebeuf par quelque corporation religieuse, et joué dans l’intérieur de quelque couvent ou sur le parvis de

  1. Voyez la note de la page 329 du premier volume.
  2. Voyez, Hist. litt. de la France, page 213.