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Page:Rutebeuf - Oeuvres complètes, recueillies par Jubinal, tome I, 1839.djvu/446

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NOTES

ne pourrait-on pas prétendre qu’il se tenait sous saint Louis des assemblées littéraires formées ou présidées par ce roi ? et, dans le cas où la probabilité pencherait pour l’affirmative, que deviendraient ces paroles amères de l’abbé Goujet : « On ne sait où M. l’abbé Massieu[1] a pris que Thibaut, roi de Navarre, avait établi une académie qu’il assemblait à certains jours dans son palais, et qu’on y lisait tout ce qui se faisait de nouveau[2]. »

À coup sûr je suis loin de défendre, comme complète-

    pendant il paraît qui si cela n’eût dépendu que de lui nous n’aurions pas aujourd’hui, grâce à sa sévérité de mœurs, autant de chansons, de contes et de branches des chansons de geste que nous en possédons. Voici en effet ce qu’on lit dans un petit poëme intitulé Les regrès de la mort saint Loys, et qui se trouve dans le Ms. 7218 :

    Hé, bons rois Loeys, filz la roïne Blanche,
    Jà ne vous tint de dire chançon ne rotruenge,
    On se boutast ou cors d’un coustel jusqu’au manche,
    Si qu’il nous fust de vous remese aucune branche.

    L’auteur, jouant ensuite sur le mot branche, ajoute par flatterie, non pour le vieux roi mort, mais pour le jeune roi vivant :

    De vous avons tel branche qui mult nous reconforte :
    C’est vostre filz Phelippe qui toz biens nous enorte, etc.

    On lit encore dans ce petit poëme :

    Hé ! bon rois Loeys, si com j’ai entendu,
    Vous aviiez les boules et les geus desfendu, etc.

    Cette pièce a été publiée par M. Buchon dans sa Collection de Chroniques.

  1. Voyez son Histoire de la Poésie française, ouvrage spirituellement écrit, mais incomplet et traité trop légèrement.
  2. Les frères Parfait, dans l’Histoire du Théâtre français, t. I, page 30, édit. d’Amsterdam, aux dépens de la compagnie, ont aussi énoncé relativement à Thibaut cette opinion. Voici leurs propres paroles :

    « Les Picards furent les premiers qui apprirent des trouvères à faire des chansons, des tensons et des sirventes. Thibaut, comte de Champagne, qui vivait dans le 13e siècle, se signala dans ce genre de poésie. Tout le monde sait qu’étant devenu amoureux de la reine Blanche, mère de saint Louis, il composa diverses chansons à la louange de cette princesse. Il en fit écrire plusieurs contre les murailles et sur les vitres de son château de Provins. Il y avait à sa cour quantité de poëtes, parmi lesquels on distinguait Gaces Brulé, seigneur du premier rang. Ils s’assemblaient souvent pour examiner leurs ouvrages, et Thibaut ne dédaignait pas de présider à cette assemblée, que l’on peut regarder comme la première académie française. »

    À la suite de ce passage les frères Parfait citent Rutebeuf parmi les plus fameux poëtes et musiciens de ce temps. Le premier de ces titres peut être exact, mais le second ne l’est nullement.