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Page:Rutebeuf - Oeuvres complètes, recueillies par Jubinal, tome I, 1839.djvu/452

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NOTES

avéré qu’elle est inexacte. Je ne trouve en effet aucune pièce de Rutebeuf portant une date exprimée clairement, ou qu’on puisse apercevoir par induction qui se rapporte à un temps antérieur à l’année 1250 au plus tôt ; peut-être même ceci est-il déjà hasardé. Comment expliquer en effet que Rutebeuf, s’il écrivait déjà en 1250, et à plus forte raison s’il écrivait antérieurement, n’ait, lui qui parle de tout et de tous, absolument rien dit de la reine blanche, morte seulement en 1253 ? La plus grande partie d’ailleurs des œuvres de notre trouvère roule sur des événements postérieurs à 1260, et un assez grand nombre de ses compositions date de 1270. J’admettrai donc difficilement que La desputizons dou croisié et dou descroizié lasse allusion à la croisade projetée en 1246.

Voilà pour la thèse générale. Maintenant, en descendant aux détails et en les analysant, je vais prouver que La desputizon dou croisié et dou descroizié, loin de se rapporter à l’expédition qui eut lieu en 1248, n’a été composée qu’à l’occasion de la sixième expédition d’outre-mer, c’est-à-dire de 1268 à 1270, qui fut la deuxième de Louis IX.

Avant tout, il faut que je fasse justice des considérations accessoires par lesquelles Legrand d’Aussy a essayé d’étayer son opinion. Je dirai donc que, si le projet de saint Louis en 1246 fut généralement désapprouvé, la mise à exécution de la sixième croisade en 1270 le fut encore bien davantage. En effet, en 1248 l’opposition vint presque tout entière de la reine Blanche, qui, portant à son fils la plus vive tendresse, et persuadée, s’il partait, qu’elle ne le reverrait plus (voyez, à la fin du Romancero français, par M. Paulin Paris, un délicieux passage de la Chronique de Rheims cité à cet effet), ne se borna pas à susciter au roi des obstacles personnels, mais souleva encore contre lui jusqu’aux grands dignitaires de l’Église, lesquels auraient dû au contraire se montrer satisfaits de la piété de Louis. Ce fut même à la prière de la reine-mère que l’évêque de Paris vint adresser des remontrances au monarque et le prier de ne pas quitter son royaume. Remarquons d’ailleurs une chose. Les raisons que donne le non-croisé