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Page:Rutebeuf - Oeuvres complètes, recueillies par Jubinal, tome I, 1839.djvu/496

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NOTES

dénué de tout goût, courant après les équivoques, jouant sans cesse sur le mot, et obscur jusqu’à être inintelligible.

« Tel il est dans son Renart bestourné ; et j’avoue qu’après l’avoir lu et relu avec la plus grande attention, il m’a été impossible d’y rien comprendre. J’y vois seulement qu’il connaissait le premier poëme dont je viens de parler ; qu’il en cite différents personnages, et qu’il blâme Noble d’avoir donné confiance à Renart, qui pourrait bien l’en faire repentir ; mais c’est tout ce que j’y entrevois. Je ne devine pas même ce qu’il entend par son bestourné, et si ce mot signifie chez lui ou bistourné dans le sens qu’il a encore aujourd’hui, ou mal tourné, contrefait, dans le sens qu’il avait alors et qu’il n’a plus. Le morceau ne donne sur cela aucune indication.

« Je ne l’indique ici que parce que j’ai voulu ne rien omettre de ce que j’ai trouvé chez nos auteurs sur le Renart ; car je le regarde comme un vrai coq-à-l’âne. »

Il y a beaucoup de choses à relever dans ces paroles de Legrand d’Aussy. Je ne chercherai pas à démontrer de nouveau que l’opinion qui fait mourir Rutebeuf dans le 14e siècle seulement est inexacte : on peut voir à ce sujet ce que je dis dans la préface de ce volume et à la p. 419 de mes notes ; mais je m’étonnerai avec M. Chabaille (p. 13 de son Avertissement du Supplément du Roman du Renart) que Legrand d’Aussy ait déclaré n’avoir rien compris à la pièce du Rutebeuf. Il semble difficile de n’y pas apercevoir à la première lecture une satire dans laquelle l’auteur attaque à la fois, par des traits dont nous tâcherons tout à l’heure d’indiquer les allusions particulières, le roi et les courtisans. Voilà pour le sens général.

Quant au mot bestourné, il est impossible que Legrand d’Aussy ne l’ait pas compris. Il se rencontre fréquemment dans notre ancienne langue, et signifie doublement changé, métamorphosé. C’est en ce sens qu’il est employé par Rutebeuf en un grand nombre de passages, notamment, à deux reprises, dans sa Vie dou monde (voyez page 243 du 1er volume), où il dit :