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Page:Rutebeuf - Oeuvres complètes, recueillies par Jubinal, tome I, 1839.djvu/70

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LA MORT RUTEBEUF.

Ma lasse d’âme crestiene[1] !

Puis que morir voi foible et fort,
Comment prendrai en moi confort,
Que de mort me puisse défendre ?
N’en voi nul, tant ait grant effort,
Qui des piez n’ost le contrefort ;
Si fet le cors à terre estendre.
Que puis-je, fors la mort atendre ?
La mort ne lest ne dur ne tendre,
Por avoir que l’en li aport,
Et quant li cors est mis en cendre
Si covient à Dieu reson rendre[2]
De quanques fist dusqu’à la mort.

Or ai tant fet que ne puis mès,
Si me covient tenir en pès :
Diex doinst que ce ne soit trop tart !
Toz jors ai acréu mon fès,
Et oï dire à clers et à lès :
« Com plus couve li feus, plus art. »
Je cuidai engingnier Renart ;
Or n’i valent engin ne art,
Qu’asséur[3] est en son palès.

  1. Ceci est une allusion à l’histoire de sainte Marie l’Égyptienne et de la Vierge. On professait au 13e siècle pour cette dernière un culte tout particulier, qui avait eu cependant encore plus de développement au 12e siècle. On trouvera dans la suite de ce livre quelques notes à ce sujet.
  2. Ms. 7633. Var. Si covient l’arme raison rendre (il faut que l’âme rende raison de, etc.).
  3. La copie du 7218, qui appartient à la Bibliothèque de l’Arsenal et qui provient, je crois, des Mss. de M. de Paulmy, contient ici en marge une annotation très-fautive. Elle traduit asséur par Assuérus. Je me trompe fort,