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Page:Rutebeuf - Oeuvres complètes, recueillies par Jubinal, tome I, 1839.djvu/99

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COMPLAINTE DE GEFROY DE SARGINES.

Puis qu’il s’i fust meslez et mis.
Mult amoit Dieu et sainte Yglise ;
Si ne vousist en nule guise
Envers nului foible ne fort,
A son pooir mesprendre à tort.
Ses povres voisins ama bien :
Volontiers lor donoit du sien,
Et si donoit en tel manière
Que miex valoit la bele chière
Qu’il fesoit au doner le don
Que li dons. Icil bons preudom,
Preudomme crut et honora,
N’ainz entor lui ne demora
Faus losengier puis qu’il le sot ;
Quar qui ce fet, je l’ tieng à sot.
Ne fu mesliz, ne mesdisanz,
Ne vanterres, ne despisanz.
Ainz que j’éusse raconté
Sa grant valor ne sa bonté,
Sa cortoisie ne son sens,
Torneroit à anui, ce pens.
Son seignor lige tint tant chier[1]
Qu’il ala avoec li vengier
La honte Dieu outre la mer :
Tel preudomme doit l’en amer.

  1. Les seigneurs de Sargines n’avaient pas toujours été hommes liges de la couronne. Un document que j’ai trouvé au Trésor des Chartes (carton J., no 174), et qui est le seul antérieur aux croisades de saint Louis que j’aie rencontré sur Geoffroi de Sargines, nous prouve ce fait : c’est une lettre de Hugues de Châtillon, comte de Saint-Pol et de Blois, par laquelle celui-ci octroie à Geoffroi de Sargines, chevalier, son homme lige, la faculté de pouvoir le devenir du roi, de préférence à lui-même et à tous autres. Cet acte est du mois de juin 1236.