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Page:Séché - Les Muses françaises, I, 1908.djvu/34

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CHRISTINE DE PISAN


Christine de Pisan naquit à Venise vers 1363. Ses parents étaient d’origine bolonaise. Mais, son père Thomas de Pisan, astrologue et médecin réputé, ayant été appelé en France par Charles V, Christine qui, à l’époque avait cinq ans ne devait plus jamais retourner en Italie. Et, comme elle a écrit dans notre langue, on est donc parfaitement en droit de la ranger parmi les femmes poètes françaises.

La vie de Christine de Pisan fut si non mouvementée, du moins très douloureuse. Ses parents l’avaient mariée tout enfant, elle avait quinze ans, à un gentilhomme Picard, Étienne Castel pour lequel ils obtinrent le titre et la charge de notaire-secrétaire du roi. Quelque dix années plus tard, en 1389, Étienne Castel mourait laissant à sa jeune femme une succession des plus embarrassées. Très vaillamment, Christine soutint ses intérêts et, comme elle avait trois enfants, deux filles et un fils, Jean qui fut lui-même un bon poète, elle songea à se créer des ressources en écrivant. Déjà, elle avait obtenu un véritable succès, avec un poème qu’elle avait composé lors des fiançailles du roi d’Angleterre et d’Isabelle de France. Elle se mit donc à étudier les poètes anciens, particulièrement Ovide et Lucain, et bientôt, elle donna divers ouvrages qui reçurent un bon accueil. Son talent lui valut de puissants appuis ; Charles VI la pensionna et les ducs de Berry, de Bourgogne et de Bourbon vinrent souvent à son aide. Son meilleur protecteur aura sans doute été ce sénéchal de Hainaut auquel elle a adressé de nombreuses poésies. Malgré tous ses amis, malgré la véritable célébrité dont elle jouissait, Christine de Pisan mena toujours une existence assez précaire qui l’obligeait à un travail incessant. Le comte de Salisburg, vers 1398, chercha à l’attirer en Angleterre, mais elle n’accepta pas plus cette invitation qu’elle ne répondit aux avances de Galeas Visconti qui aurait été heureux de la recevoir à Milan. Elle vivait alors à la cour de Philippe de Bourgogne. À la mort de celui-ci Charles VI la fit venir auprès de lui. Elle y demeura jusqu’au jour où le malheureux prince perdit la raison. Christine se retira alors dans un couvent à Paris ou à Poissy, on ne sait au juste, où elle s’éteignit quelques années, après, probablement vers 1430. Assurément pas avant cette date puisqu’on a d’elle un poème sur Jeanne d’Arc qu’elle composa en 1429.

Les ouvrages de Christine de Pisan sont extrêmement nombreux, mais ils sont pour la plupart restés manuscrits. Christine écrivit en prose et en vers et, bien qu’elle ait eu un vrai talent de poète, ses ouvrages en prose offrent pour nous un intérêt sans doute plus grand à cause des curieux renseignements qu’on y rencontre sur les mœurs du temps et sur les hauts personnages qu’elle approcha, soit à la cour du roi de France, soit à celle de Philippe le Hardi. À ce point de vue Christine de Pisan a sa place marquée parmi les grands chroniqueurs, entre Froissart et Commines. Elle composa également des ouvrages plus particulièrement destinés aux dames. Christine de Pisan n’est pas seulement, dans l’ordre du temps la première femme, en France, qui ait eu un savoir étendu et général, elle fut aussi, si l’on ose employer ce terme à l’endroit d’une femme qui vécut au xive siècle, la première qui ait pris la défense de ses semblables, faisant déjà œuvre de féministe convaincue. Non seulement elle ramassa dans