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Page:Séché - Les Muses françaises, I, 1908.djvu/68

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LOUISE LABBÉ



Louise Labbé naquit à Lyon, en 1526 ou 1527. Elle était fille d’un nommé Charly, dit Labbé, cordier aisé, qui lui fit donner une éducation très soignée. Elle parlait plusieurs langues, jouait du luth et chantait. De plus, elle était fort habile dans les exercices du cheval et des armes. Ce n’est assurément pas commun. En 1542, son père et ses frères durent se rendre, sans doute comme fournisseurs de l’armée, au siège de Perpignan. Elle vêtit une armure, monta à cheval, prit le nom de capitaine Loys et suivit son père à l’armée. Ce fut, dit-on, en cet équipage, qu’elle parut aux yeux du dauphin, depuis Henri II. On vantait la force de son bras, son courage et ses exploits. Elle a dit d’elle-même :

Qui m’eût vu lors, en armes, fière, aller.
Porter la lance et bois faire voler,
Le devoir faire en l’estour furieux.
Piquer, volter le cheval glorieux.
Pour Bradamante ou la beauté Marphise,
Sœur de Roger, il m’eût, possible, prise.

Mais les Français ayant été obligés de lever le siège de Perpignan, elle renonça au métier des armes et revint à Lyon où elle devait se marier avec un riche marchand et fabricant de cordages, Ennemond Perrin. Fille et femme de cordier, on s’explique le surnom de Belle Cordière, sous lequel les poètes du temps la désignent. — On dit que ce mariage se fit dès son retour à Lyon. Rien n’est moins prouvé. — Comme le fait remarquer Sainte-Beuve, ses poésies parurent en 1555, c’est-à-dire treize ans après le siège de Perpignan. Or, Louise, durant son passage à l’armée, s’était éprise d’un homme de guerre. Elle a confessé elle-même que cette passion s’était emparée d’elle « avant qu’elle eût vu treize hivers » et elle l’embrasait encore durant « le treizième été », soit treize ans après. Il n’est point douteux que ces poésies aient été faites à l’occasion de cet amour. Pourquoi n’aurait-elle pas épousé Ennemond Perrin vers 1555 une fois ces amours définitivement rompues ? Cela serait assez logique, d’autant que son mari ayant vingt ans de plus qu’elle c’était, pour Louise, un mariage de raison. D’aucuns, il est vrai, ont émis cette hypothèse, que Ennemond Perrin et l’homme pour lequel Louise s’était prise d’amour, au siège de Periiignan, pourrait bien ne former qu’une seule et même personne. La chose n’est pas impossible.

Quoiqu’il en soit, Ennemond Perrin laissa à sa femme, qu’il aimait et admirait beaucoup, toute liberté. Leur maison devint le lieu de rendez-vous de tous les beaux esprits, poètes et artistes, parmi lesquels on cite Maurice Scève. Pontus de Thyard, Charles Fontaine, Pernette du Guillet et le célèbre imprimeur Jean de Tournes.

De passage à Lyon, Olivier de Magny qui accompagnait à Rome Jean d’Avançon fut présenté à la Belle Cordière. Un nouveau roman d’amour commença, Louise et Olivier de Magny conçurent, assure-t-on, l’un pour l’autre, une ardente passion. Séparés, réunis, puis séparés de nouveau,