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Page:Sacher-Masoch - A Kolomea - Contes juifs et petits russiens, 1879.djvu/283

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IL REVIENDRA.

au travers d’une haie, ou en grimpant sur un arbre, plus aussi il avait envie de la posséder. De prime abord une paire de bottines rouges lui parut suffisante pour tourner la tête à la jeune fille, puis il en vint à lui offrir une fourrure d’agneau, des boucles d’oreilles en or, le trousseau entier de la défunte baronne. Il lui fit même la proposition de venir demeurer dans son château, de tenir sa maison, et de jouer à la grande dame autant qu’elle le voudrait. La femme du tavernier juif attira à chaque occasion la pauvre fille dans l’auberge. Elle lui dépeignit le luxe et la magnificence de la seigneurie, elle lui donna à boire ses liqueurs les plus fines. Mais Tatiana goûtait à tout, laissait parler la juive, et ne l’écoutait que par complaisance.

Un jour de foire, le baron l’aperçut en ville. Vite il se débarrassa de son manteau, sauta hors de sa britschka, lui acheta une longue saucisse et, quand il vit qu’elle l’acceptait avec un sourire aimable, une quantité énorme de pains d’épice avec un superbe cavalier dont le cheval était aussi gros qu’un agneau, en murmurant à son oreille : « Tataniuschka, je sais que tu as un faible pour les militaires. » Tatiana montra ses jolies dents en mordant à même la tête d’un coq en biscuit, et en enlevant d’énormes bouchées dans le superbe cavalier, mais elle se montra inflexible.

Deux mois plus tard, une autre paysanne s’installa dans la seigneurie. Elle était grande, elle se dandinait en marchant ; elle avait les cheveux et les yeux noirs. Tout le monde en avait peur. Elle battait les domestiques pour le moins autant qu’une vraie baronne. Tout cela ne fit aucune envie à Tatiana.

Un an se passa. Ugari ne revenait pas. Cela encouragea un riche paysan, le cousin Hnatek à demander Ta-