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Page:Sacher-Masoch - A Kolomea - Contes juifs et petits russiens, 1879.djvu/284

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À KOLOMEA.

tiana en mariage. Certes, il fallait du courage pour cela ; mais Hnatek avait été grenadier, il s’était battu à Aspern, il passait pour n’avoir aucune crainte de Letawiza et des vampires femelles. Pourquoi aurait-il craint une jolie fille, qui, en somme, malgré sa dureté apparente, possédait un excellent cœur ?

À tout son courage, l’ancien grenadier joignait la ruse diplomatique que le vieil usage de notre peuple prescrit dans une telle occasion. Personne ne gratifie quelqu’un d’un refus désagréable, sans chercher à l’adoucir par quelques paroles aimables. De même personne n’affronte ce même refus, sans avoir de bonnes garanties de consolation.

Voici comment cela se passa.

Deux starostes, vieillards du voisinage, parés de leurs habits de fête, se présentèrent dans la maison de Tatiana, tandis que Hnatek, vêtu d’une belle fourrure neuve, et tenant une grosse bouteille d’eau-de-vie, se postait devant la porte cochère. Le père de Tatiana était assis derrière la table, sa mère établie sur le banc du poêle. À l’entrée des starostes, Tatiana se glissa avec son rouet dans l’angle de la fenêtre.

« Christ soit glorifié, commencèrent les starostes.

— Éternellement ! Amen, répondirent les habitants de la chaumière.

— Asseyez-vous, je vous prie, dit le maître de la maison. Apporte l’eau-de-vie, femme. »

Les starostes s’assirent. La paysanne posa sur la table une grande bouteille verte, et de petits verres à patte.

« Nous avons l’intention, commença le plus âgé des starostes, nous avons l’intention de conclure avec vous un marché.