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Page:Sacher-Masoch - A Kolomea - Contes juifs et petits russiens, 1879.djvu/34

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À KOLOMEA.

Vénus Israélite qui attira si habilement dans ses lacs le roi Casimir de Pologne. Il ne vit pas comment, pour plaisanter, il la prenait par la taille, comme il l’enlaça étroitement dans ses bras, et finalement l’embrassa sur sa nuque bistrée. Il resta assis sur son siège, silencieux, ayant l’air de contempler de petits nuages que le couchant dorait de ses feux et qui se répandaient dans le ciel comme autant de brins d’ouate enflammés.

Le hasard le ramena le jour suivant, en compagnie d’un juif, marchand de céréales, à la taverne de Blauweisz.

Tous deux avaient un marché à conclure.

Mintschew savait que des négociants de cette trempe ne termineraient pas leurs affaires de sitôt. Il descendit donc de son siège pour donner à manger à ses chevaux. Au même instant, Esterka parut et le salua amicalement. Mais lui ne la vit pas. Il la regarda un instant comme à travers un verre, mais un verre trouble, et fronça ses sourcils comme pour mieux l’examiner.

Esterka sourit, prit deux seaux, courut à la fontaine, et lui apporta de l’eau pour ses bêtes.

« Eh bien ! M. Mintschew est-il satisfait maintenant ? » demanda-t-elle d’un ton d’aimable raillerie.

Pas de réponse.

Elle se mit à sa gauche et contempla d’un air étonné le visage sombre de Mintschew. Il tourna la tête à droite. Elle se plaça à sa droite. Il tourna sa figure à gauche, sans mot dire.

« Qu’avez-vous donc ? vous ai-je offensé ? » s’écria alors Esterka, levant vers Mintschew ses yeux limpides et francs.

Il ne pouvait plus se taire. Il lui demanda :

« Dites-moi : est-ce réellement convenable qu’une