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Page:Sacher-Masoch - La Czarine noire et autres contes sur la flagellation, 1907.djvu/138

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L’AMOUR CRUEL

— Non, parce que je t’aime, fut la réponse tremblante et fiévreuse.

— Laisse-moi entrer, supplia le gentilhomme. J’ai tant à te demander, tant à te dire ! N’as-tu pas de cœur, que tu prennes plaisir à me faire souffrir ?

— Tu souffres, Trafford ! et pourquoi ?

— Parce que tu me bannis de ta présence, belle et mystérieuse femme.

— J’agis comme je le dois. Si ma volonté était libre et si je pouvais me donner, c’est toi, Trafford, que je choisirais de préférence à tous les grands de la terre, car tu es l’homme le meilleur que je connaisse. Mais un serment terrible m’enchaîne. Je n’appartiens plus à la vie, je suis vouée à la mort. Je ne puis ni aimer, ni donner le bonheur. La haine et la vengeance sont mon destin. Fuis-moi, je t’en conjure. Le malheur suit mes talons et le malheur émane de moi. Fuis, il en est temps encore.

— Je ne puis pas. Mon amour est devenu une folie. Si je ne puis vivre auprès de toi, laisse-moi mourir pour toi.

— Non, mon ami, tu ne dois pas mourir. Ressaisis-toi, sois homme. Ne m’alourdis pas ma tâche, facilite-moi mon triste devoir. Il faut que