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Page:Sacher-Masoch - La Czarine noire et autres contes sur la flagellation, 1907.djvu/59

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LA CZARINE NOIRE

de fourrures somptueuses, qui incrustent de l’or dans leurs murailles et attellent des hommes à la charrue, comme du bétail. Nous vivions libres, parmi des hommes libres, dans nos villages, nos huttes blanchies à la chaux. Nous labourions nos champs et paissions nos troupeaux. Tout nous était commun, la terre, la prairie, la forêt. Un seul travaillait pour tous, tous, pour un. Nous n’avions point de guerres et si l’un d’entre nous troublait, par violence, la paix de la commune, celle-ci le jugeait ; car la commune était comme un homme géant.

« Alors des hommes inconnus vinrent du Nord.

« Ils maniaient l’épée au lieu de la charrue. Ils apportèrent la guerre, la noblesse et la tyrannie. Devrais-je les aimer ?

L’impériale chasseresse fit peser sur lui le long regard inquisiteur de ses beaux yeux. Puis, secouant la tête :

— Non, dit-elle.

Iégor, surpris, leva les yeux.

La czarine, se penchant sur lui, posa sa petite main sur son épaule massive.

— Me hais-tu, moi aussi ?