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Page:Sacher-Masoch - La Femme séparée, 1881.djvu/101

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LA FEMME SÉPARÉE

rouge fané, des rideaux de damas de la même couleur rendaient la chambre presque obscure. Un tapis de Turquie étouffait les pas. Un petit amour qui semblait planer dans l’air rassemblait dans un de ses bras les larges plis des rideaux de damas du lit, posant l’index de l’autre main sur ses lèvres. Un immense miroir, rayé dans sa largeur par une grosse fente, une ravissante table de toilette grise de poussière, sur laquelle était placée, au milieu d’un charmant pêle-mêle de flacons, de pommades, de brosses, de chiffons et de bouts de dentelles, une cassette de maroquin noir qui attira mon attention, remplissaient presque toute la pièce. Il s’y trouvait un siège aussi, un moelleux petit fauteuil capitonné, en velours grenat, très bas ; dans cette chambre, l’homme ne pouvait se tenir qu’aux genoux de la femme aimée, ou entre ses bras. Mme de Kossow alla chercher dans la chambre voisine une chaise qu’elle me tendit. Puis elle se jeta dans le fauteuil et poussa vivement une petite table entre elle et moi. Bientôt elle quitta sa place brusquement et commença, en me tournant le dos, à réparer avec un petit peigne le désordre de ses cheveux. Sur une mignonne petite jardinière en jonc, tapissée de lierre, était posée une cage de laiton, où un canari dormait sur une patte, la tête sous son aile, comme une petite boule tout hérissée. La porte de la cage était grande ouverte.