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Page:Sacher-Masoch - La Femme séparée, 1881.djvu/172

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LA FEMME SÉPARÉE

— Mon Dieu, que va-t-il se passer ? dis-je à Turkul.

— Il salera votre mari comme un hareng, répondit celui-ci gaiement.

— À quoi cela mène-t-il ?

— Je connais Julian, vous verrez qu’il franchira en un clin d’œil tous les obstacles.

— Justement, c’est parce que, moi aussi, je connais Julian que j’ai peur pour lui. Il a, comme don Quichotte, la passion d’aider les opprimés. Et avec cela, il a le besoin de se lancer dans des aventures mystérieuses extraordinaires. Sa nature a besoin de drames, d’excitants de toute espèce. Notre amour lui-même n’est-il pas une sorte de comédie pour laquelle je suis obligée de me vêtir comme une actrice ? Tenez, voilà mon costume.

Je lançai sur les genoux de Turkul ma jaquette de fourrures et ma cuirasse, que j’avais oubliées sur le canapé le jour précédent.

— Vous croyez que Julian a en tête autre chose que votre bonheur ? demanda Turkul d’un ton de reproche.

— Oh ! non, certes, m’écriai-je ; mais je crains que l’intervention de Julian ne me plonge dans une situation pire que celle où je suis, comme le paysan à qui don Quichotte vient en aide et que son maître rosse doublement pour cela.