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Page:Sacher-Masoch - La Femme séparée, 1881.djvu/173

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LA FEMME SÉPARÉE

Sur ces entrefaites, Julian, la tête haute, pénétrait dans le cabinet de mon mari, qui lui présenta des cigares, fort embarrassé. Julian remercia, puis il entra hardiment en campagne, selon son habitude.

— Quelles raisons vous ai-je données pour me défendre votre maison ? commença-t-il.

— Mais, cher ami, cela ne me vient pas à l’idée, affirma Kossow en le poussant dans un fauteuil.

— Je n’ai rien fait de déshonnête, à ce que je sache, continua Julian. J’aime votre femme. Oui, c’est vrai ; mais ce n’est pas un crime. Votre femme m’aime, c’est vrai encore. Mais elle m’a souvent assuré que vous la maltraitez, la négligez, l’humiliez par tous les moyens imaginables. Vous l’abandonnez au milieu de toutes les tentations qui l’entourent. Elle m’a dit qu’elle ne vous a jamais aimé. Votre conduite à son égard la délie absolument de ses devoirs envers vous. Votre femme m’appartient devant Dieu, sinon aux yeux des hommes, c’est encore vrai, mais je ne suis pas son séducteur.

Mon mari se prit la tête.

— C’est très joli, très joli ! s’écria-t-il d’un air abattu, et vous dites ?… Vous n’êtes pas son séducteur ! Ah ! j’y suis… le comte… Eh bien ! que voulez-vous maintenant ? Vous voulez me prendre ma femme, enlever leur mère à mes enfants ? Non.