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Page:Sacher-Masoch - La Femme séparée, 1881.djvu/25

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LA FEMME SÉPARÉE

contera les angoisses de son cœur. Ses impressions sont vives, un rien l’agite, et cependant elle n’a pas le cœur sensible. Elle a des idées étonnantes, de l’esprit, et avec cela il lui est impossible de tirer une conclusion ou d’émettre une pensée raisonnable. Par moments, elle fait preuve d’énergie, de fierté, sans pour cela avoir une volonté ferme ou un atome de caractère. Elle est constamment dans son droit, constamment une victime du sort ; son rôle, dans ce monde, sera jusqu’à la fin un rôle passif. Avec cela, elle est très dangereuse. Elle attire à elle tous les jeunes gens, surtout les jeunes gens honnêtes, car elle ne s’adonne pas franchement, librement à ses passions, et ne change jamais, pareille à une femme frivole, d’adorateurs. Non, elle aime toujours de toute la force de son âme, et, malgré cela, elle n’est jamais vraiment aimée. On la néglige, on la méconnaît, on la trompe et on l’abandonne. Les hommes sans expérience voient en elle une « martyre, » maudissent celui qui la « maltraite », le hasard qui la lie toujours à des « monstres », jouent auprès d’elle, et de tout leur cœur, le rôle de « chevaliers », l’arrachent à son persécuteur, et sont enfin trop heureux quand ils rencontrent quelqu’un qui les en délivre.

— Et Mme de Kossow est une de ces femmes ? demandai-je.