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Page:Sacher-Masoch - La Femme séparée, 1881.djvu/297

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LA FEMME SÉPARÉE

de ses deux mains ; puis il se leva et me redemanda ses lettres… Je me dirigeai, chancelante, vers mon secrétaire, j’en tirai les lettres, nouées soigneusement par une faveur bleue, et les lui tendis. Il ne les prit pas. Le paquet tomba à terre.

— Tu me rends vraiment mes lettres ? s’écria Julian.

Je n’oublierai jamais l’intonation déchirante de sa voix à ce moment.

Ses yeux roulaient comme ceux d’un fou. Il se précipita vers la porte et sortit en courant…

Je le suivis.

« Il avait la figure d’un homme qui va se noyer, » dit Wally. Elle se jeta en travers de la porte et lui barra le passage, le retenant en criant bien fort. Moi, je le pris à bras-le-corps, puis je tombai sans connaissance.

Lorsque je revins à moi, j’étais couchée sur le divan, à demi nue. Julian se tenait à mes côtés. Nous n’échangeâmes pas une parole. La nuit tomba. J’entendis sonner l’horloge du clocher voisin. Je crois que c’était onze heures. Nous comptâmes les coups, qui tombaient sur l’airain, lourdement, comme une longue plainte. À ce moment, une ombre se dressa au fond de la chambre. C’était Mezischewski. Je le vis, je frémis en retenant un cri. Je savais que cette fois nous étions tous perdus.