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Page:Sacher-Masoch - Le legs de Caïn, 1874.djvu/124

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— Il rossait les cosaques[1] du château ! s’écria le Mongol en riant aux éclats. Il les rossait sans aucun motif, à tout propos, au cabaret, sur la grande route. — C’est parce que vous êtes de la misérable valetaille ! leur disait-il. — Voyons, Balaban,… — Êtes-vous du château, oui ou non ? — Cependant… — Le niez-vous ? — Non. — Eh bien ! alors vous méritez des coups. — Permettez, criaient les cosaques, s’il fallait donner des coups à tous ceux qui les méritent, avant la fin du mois il ne resterait plus un coudrier dans l’empire.

Le capitulant ne put s’empêcher de sourire. — À la fin pourtant, le mandataire me fit venir ; il me reprocha d’exciter les paysans, m’appela gribouilleur, rebelle, haïdamak. — Qu’on l’étende sur le banc ! hurla-t-il, le visage gonflé de sang, et en se retirant derrière ses gens. — Nous serons bien avancés, répondirent les cosaques, quand il aura assommé un de nous ! — Et personne n’osait me toucher. Alors le mandataire se précipite, soufflant de rage, les cheveux hérissés, les yeux tout blancs, et lève lui-même le bâton sur moi. Je l’attrape encore à temps, et lui tords le bras, qui craque comme une tête de pipe que l’on retire pour faire écouler le jus ; je lui enlève le bâton, le dépose dans un coin, tout cela poliment, bien entendu, car enfin c’était mon supérieur.

On me laissa maintenant tranquille pendant quelque temps, jusqu’à ce que le diable me fît rencon-

  1. Les anciens seigneurs polonais avaient leur garde armée, généralement des cosaques ; encore aujourd’hui l’uniforme des cosaques est porté par quelques-uns des serviteurs de la maison.