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Page:Sacher-Masoch - Le legs de Caïn, 1874.djvu/224

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mis en tête, quelque chimérique que cela parût à tout le monde dans la maison, de rétablir l’ordre dans nos affaires. J’y réussis, sans le secours de personne, par un effort de ma volonté. Ce qui vaut mieux encore, je pris confiance dans ma force, que je trouvai à la hauteur de toutes les privations et de toutes les corvées.

Mon père eut encore le temps de voir comme tout se relevait peu à peu, puis il mourut à son tour ; je l’ai perdu il y a six mois. Depuis sa mort, me voilà seul avec le vieux Iendrik, qui a dépassé soixante-dix ans ; mais je sais que je ne serai pas toujours seul. Chaque fois que je rentre le soir, couvert de poussière et brûlé par le soleil, il me semble que je trouverai sur mon seuil la femme aux cheveux d’or, et je ne trouve personne que le vieux chien aveugle et boiteux, qui remue la queue dès qu’il reconnaît mon pas.

Nous nous tûmes tous les deux pendant quelques instants, puis je hasardai une question sur les qualités que devrait avoir sa femme.

— Avant tout, répondit-il, je la veux belle et bien portante. Pas de mariage heureux si les sens n’ont pas leur part légitime. Ensuite il faut qu’elle ait l’esprit juste et un bon cœur, qu’elle sache travailler, et qu’elle ait de l’honneur comme un homme.

— Qu’est-ce que tu entends par là ?

— J’entends que le monde n’ira pas mieux tant qu’on s’obstinera toujours à trouver le manque de probité aimable chez la femme, et à l’appeler com-